Pour Nicole Cathala, et le Groupe GIP 11, en hommage amical

       Je suis porté à penser que le processus de mondialisation a développé les risques de déshumanisation. Si ce constat est avéré on perçoit que l’Eglise a une vocation prophétique de contre-culture et qu’elle doit œuvrer avec d’autres instances à la recherche et à la promotion de ce que l’on peut appeler l’humain  authentique, le vere humanum dont parle la Constitution  Gaudium et spes

Il s’agit de résister à l’impérialisme d’une culture de plus en plus monolithique qui nous envahit, une culture placée sous le signe de la consommation, de la seule réussite sociale, de l’épanouissement individuel maximum dans l’ignorance des grandes fractures de nos sociétés, anesthésiés par la convoitise et le souci de paraître.

L’Eglise est instamment conviée à trouver un nouveau style de présence au monde. Dans nos sociétés contemporaines à la fois démocratiques et pluralistes, si l’autoritarisme de son enseignement moral a été déposé, elle ne peut cependant pas accepter de se terrer dans une sorte de marginalisation et se contenter de régenter uniquement la conscience qu’on voudrait “privée” des citoyens. En débat avec l’Etat et avec la société civile, l’Église a vocation à continuer à témoigner avec force de sa vision de l’homme et du vivre-ensemble, du vivre-avec des gens de cultures et de foi différentes. 

Nous éprouvons quelque difficulté à déterminer ce qui fait le prix de l’humain authentique. C’est la chance en Europe de nos sociétés pluri-religieuses de faire un inventaire plus large du contenu de l’humain authentique. On se refuse encore de penser qu’il y a un humanisme islamo-judéo-chrétien qui pourtant est d’un grand prix pour l’ensemble de la communauté mondiale. A l’âge de la fin de l’eurocentrisme, nous devons dépasser notre mauvaise conscience post-coloniale, nous délester de la prétention à détenir l’universalité des valeurs auxquelles nous croyons. Nous avons à développer, à maintenir, à préserver le prix d’un certain esprit européen pour lutter contre les effets déshumanisants d’une certaine culture véhiculée par les médias qui pensent accéder à la position dominante des nouvelles féodalités qui ne disent pas leur nom, et qui dédaignent ou mésestiment la qualité de l’humain. Le génie de l’Europe est au point de rencontre de la tradition biblique et de la raison critique, en héritage à la fois d’Athènes, de Rome, de Jérusalem, de Bagdad et de l’âge des lumières. 

 

Gérard LEROY, le 16 avril 2017