Pour Roland Covarel, en hommage amical

   À la lecture des versets 4, 19; 4, 30; 65, 1 du Coran, le trait le plus frappant de ces versets est que l’adultère y apparaît comme un délit exclusivement féminin. Que dire alors du verset 4, 20 qui en fait un délit également masculin ? L'on s'accorde à dire qu'il n'appartient pas à la même période que les trois premiers. Mais dans l’ensemble les versets qui usent du mot fâhisha pour désigner l’adultère constituent un ensemble suffisamment homogène sur le plan conceptuel, dans la mesure où, contrairement à la Bible hébraïque en Lv 20, 10 et Dt 22, 22, le crime est exclusivement le fait des épouses.

En Coran 25, 68 comme en 60, 12, le crime d’adultère est considéré en second, derrière l’associationnisme. Mohammed Hocine Benkheira, directeur d’études à l’EPHE et spécialiste du droit musulman, écrit que l'adultère demeurera ainsi considéré dans la loi islamique telle qu’elle sera fixée définitivement au IXè siècle. Les juristes inscriront alors l'adultère comme l'un des trois principaux motifs d’application de la peine de mort.

Les choses vont évoluer. La plus importante des évolutions est que l’adultère va cesser progressivement d’être le seul fait des épouses. L’interdiction des relations en dehors du mariage s’étend désormais aux hommes. Déjà, selon Coran 24, 2, les deux complices sont sous le joug d’un même châtiment qui se traduit par cent coups de fouet. Et puisqu’il est question ici de la “fornicatrice” il ne peut s’agir que d’une relation hétérosexuelle.

La sourate 4 (An-Nisâ'), consacrée aux femmes, se distingue nettement de la sourate 24 (An-Nûr, La Lumière). On passe d’une conception de l’adultère comme crime qui lèse le mari à une conception qui en fait un crime contre l’ordre du monde tel qu’il a été voulu par Dieu. Il s’agit là d’un processus d’universalisation de la morale sexuelle du Coran. Aucune sourate ne prescrit la peine de mort. La réclusion à perpétuité serait, d’après M.H. Benkheira, empruntée à la législation byzantine, la flagellation étant inspirée par la loi juive qui, en Lv 19, 20-22 applique ce châtiment à l’esclave adultère.

Puisqu’il est aussi prescrit que les croyants assistent à l’exécution de la peine, celle-ci doit avoir lieu en public.

Un verset coranique peut avoir en sus une portée légale. On distingue trois formes d’abrogations :
- l’abrogation de la seule valeur juridique du verset sans le retirer du Coran;
- la suppression du verset, avec cependant maintien de la règle juridique (cette abrogation relève d’un hadith);
- l’abrogation et du verset et de la règle.

Insistons sur l'absence de toute indication sur la lapidation dans le Coran qui nous met en présence de deux législations distinctes, une législation ancienne (Cor 4, 15) qui prend en considération la femme dans le cas de l'héritage mais ne lui accorde qu'une part réduite, et une législation récente (Cor 24, 2) qui sanctionne de la même peine le fornicateur et la fornicatrice.

 

Gérard LEROY, le 24 mai 2012