Pour Taïeb Bellil, en hommage amical

   En tout temps et en tous lieux les grands spirituels, maîtres de sagesse des grandes religions et des sagesses de l’humanité, amoureux et respectueux de la dignité des êtres humains, conscients de leur responsabilité devant l’Être divin, le Tout Autre, l’Infini, la Transcendance, la “Suréminence inobjectivable”, ces grands maîtres spirituels ont réprouvé la haine et condamné le meurtre. Tout homme, conscient de sa responsabilité condamne le meurtre et réprouve toute expression humiliante, offensante, blessante. L’expression est libre, d’abord dans sa capacité de contrôler toutes ses formes, qu’il s’agisse du cri, de la confidence, de l’ordre, de l’amour, de la haine, mais l’expression n’est liberté qu’en ayant estimé son impact. La liberté d’expression ne réalise t-elle pas la mise en question de soi par l’autre ?  La responsabilité originaire me lie à autrui. Aussi la liberté d’expression n’est-elle pas liberté d’agression.

Au nom de sa responsabilité, de ses convictions humanistes et/ou religieuses, tout homme ne peut que condamner les actes meurtriers, qu’ils aient été perpétrés à l’encontre de rédacteurs d’un journal, d’épiciers, de musiciens ou de leur assistance. Chaque homme est assigné à responsabilité envers autrui. C’est comme ça. Depuis toujours chacun est solidaire de l’autre.

Les cibles favorites des caricaturistes de Charlie Hebdo ont offensé des musulmans, des chrétiens, et

aussi, plus rarement, des juifs. Si le blasphème n’est pas un délit en France, reste à se demander si offenser autrui dans ce qu’il a de plus sacré est un droit de l’homme, et donc à encourager comme tel.

L’insulte et la provocation, pour reprendre les termes mêmes de la plus haute autorité de l’islam sunnite, Al Azhar, “attiseront la haine et ne serviront pas la coexistence pacifique entre les peuples”.

Un an après le massacre dont ont été victimes des membres de l’équipe du journal Charlie Hebdo, celui-ci montre en “couv” la caricature d’un Dieu-Assassin, la Kalachnikov en bandoulière, qui déguerpit. Elle est signée de Riss, qui ne croit pas en Dieu, autrement dit à son existence. Voilà donc quelqu’un qui part en guerre contre des moulins à vent, puisqu’ils n’existent pas. Mais ce Don Quichotte sait bien que ceux qui croient en Dieu, non seulement à son existence mais à son essence même, comme miséricordieux pour l’humanité tout entière, ces croyants sont offensés de la même façon qu’un enfant qui verrait sa mère insultée.

En revanche, pourquoi ne pas percevoir que ce dessin prend Dieu comme paravent de l’assassin qui, à y regarder d’un peu plus près, est bien l’homme, celui qui justifie ses exactions en usurpant une identité, en se réclamant d’une religion qui adore Dieu et voudrait ne pas être assimilée aux tueurs-bonimenteurs qui s’en réclament. 

N’y a-t-il pas là une esquive un peu lâche ? Et somme toute bien humaine...

 

Gérard LEROY, le 7 janvier 2016