Introduction à la conférence donnée par G. Leroy le 10 décembre à Saint-Bonaventure

Pour Céline Berna, avec mon amicale gratitude

   Le best seller de l’été (plus de 100000 exemplaires vendus en France en moins de 2 mois) a suscité un véritable engouement. Le texte est aussi simple qu’intelligent, et nous concerne tous, croyants ou non croyants. L’écologie est présentée §111 comme “un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, et une spiritualité ” .

Ce qui frappe en premier c’est une vision réaliste de la situation présente, qui stagne. “La Conference des U.N. sur le développement durable réunie à Rio en 1992 a émis un long et inefficace document final”, dit le n°168, en raison de la position des pays qui mettent leurs intérêts nationaux au-dessus du bien commun général. Le ton de l’encyclique n’est pas dramatique, certes, mais l’état des lieux inquiète et plus encore le drame qui pourrait naître de l’indifférence générale. Les menaces sont réelles et pourtant “tout n’est pas perdu” déclare le pape. 

À partir de données scientifiques affinées, l’intelligence chrétienne entame alors le dialogue. Ce dialogue va inviter à un changement de vision et d’attitude, lié à une conversion spirituelle. La crise actuelle n’est pas seulement matérielle, corrélée par le positivisme qui ne voit de vérité que

dans les résultats des sciences expérimentales, elle est surtout morale et spirituelle. Les problèmes actuels et les insuffisances de solutions purement techniques entraînent les moins obtus d’entre nous à prendre conscience que peut-être toute une vision de l’homme et du monde est à corriger. Sciences et techniques ne sont pas des instruments neutres mais des alliés, à prendre dans leur dimension d’humanisation potentielle. Du fait de leur histoire, les sciences portent, même implicitement, une certaine conception du monde que, selon le pape François, il importe de vérifier. Il rejoint ici une thèse de Marx, qui présentait la praxis comme juge et fondement de la pensée théorique. Quand une application ne fonctionne pas, quand une orientation s’avère fausse, il est temps de rectifier le tir avant d’aller s’écraser sur un mur.

Tout ce que vit l’homme, sa spiritualité, ses amours, ses craintes, son passé, ses angoisses, tout cela échappe aux calculs de la science. Notre génie humain, qui a tant fait ses preuves au niveau technologique, est toujours aussi incapable de résoudre la violence, les guerres, la pauvreté, et à retrouver la joie qui nous manque. La technique, a montré Martin Heidegger, est une forme de l’oubli de l’être. Et le pape en est d’accord. Aussi le culte de la technologie est-il aussi stérile que son rejet. 

Le chantier est immense. L’encyclique en fait l’inventaire au § 46 : certaines innovations technologiques; l’exclusion sociale; l’inégalité dans la disponibilité et la consommation d’énergie; la fragmentation sociale; l’augmentation de la violence; le narcotrafic; la consommation croissante de drogues; la perte d’identité. Excusez du peu !

Quant au réchauffement climatique, et c’est là le principal sujet, il a des conséquences défavorables sur la production agricole dans certaines régions du monde déjà défavorisées. 

Le dérèglement climatique a causé l’apparition de nouvelles aires géographiques pour des maladies humaines et animales jusqu’alors cantonnées aux zones tropicales. “Une écologie superficielle se développe, qui consolide un certain assoupissement et une joyeuse irresponsabilité”, note le n°59. Et le § 165 condamne carrément “cette humanité de l’époque post-industrielle (qui) sera peut-être considérée comme l’une des plus irresponsables de l’histoire”

Les débats sur le réchauffement climatique posent la question de l’accès à la ressource en eau et, en particulier l’accès à l’eau des fleuves qui permettent l’irrigation. Du Moyen-orient à l’Asie, les «guerres de l’eau» surgissent, et se multiplieront si des accords internationaux sur le partage des eaux n’ont pas la faveur de la communauté internationale. De plus, “l’eau disponible se détériore ; il y a, lit-on au §30, une tendance croissante à privatiser cette ressource limite, transformée en marchandise sujette aux lois du marché. Ce monde a une grave dette sociale envers les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau potable, car c’est leur nier le droit à la vie. Le problème de l’eau est en partie une question éducative et culturelle”. On sait qu’aujourd’hui 1 milliard et demi de gens n’ont pas accès à l’eau potable. L’eau insalubre est le 1er facteur de mortalité dans le monde (3,6M†/an<14 ans). 

On en est arrivé à un tel déséquilibre qu’on est devant “l’impossibilité de maintenir le niveau actuel de consommation”. Voilà ce qu’observe d’entrée l’encyclique, aux § 10 et 27. 

 

Gérard LEROY, le 11 décembre 2015