Pour Jean-Louis Villeneuve, en hommage amical

   Le premier verset du premier livre de la Bible nous renvoie à l’instant premier de la création : “Au commencement Dieu créa le ciel et la terre”, lit-on en Français. Littéralement : Au commencement, Dieu sépara (bara) les cieux et la terre. Car le verbe bara que l’on traduit par “créa”, signifie “séparer”. La création, du monde, comme de l’enfant, se traduit par une séparation. Dieu “accouche” du monde en quelque sorte. Il n’est donc pas étonnant que certains verbes en hébreu dont Dieu est le sujet, renvoient à un féminin. Ce qu’a montré le Pr Jacques Briend dans son ouvrage Dieu dans l'Écriture, aux Éditions du Cerf (coll. Lectio divina). 

Les mots Bereshit, le premier de la Genèse, et En archè, qui ouvre le prologue de saint Jean, respectivement grec et hébreu, sont traduits par Au principe, ou Au commencement. Ce commencement, que rien ne précédait puisqu’il inaugure la création dans le Livre de la Genèse, n’est donc pas simplement le premier d’une série d’instants multiples et comparables entre eux, mais l’instauration d’une réalité formant un tout, qui ouvre toute l’histoire de cette réalité.

La notion de commencement transcende donc le concept aristotélicien du temps comme mesure du changement entre un avant et un après. Avant que le “tout” existe, le commencement se pose comme condition déterminant l’essence et les conditions de réalisation de ce qui va suivre. Le commencement surgit comme une frontière, se mettant hors de portée. 

On ne peut donc parler de commencement que comme inauguration d’un tout, quelque chose de nouveau. Un tel commencement est ouvert sur une fin et ne devient pleinement lui-même qu’à cause de cette fin. La présence croissante de cette fin dans la réalisation progressive de l’homme par lui-même est en même temps présence croissante du commencement.

Commencement signifie donc avant tout condition de créature, l’être personnel et spirituel ne pouvant être suscité que par un acte créateur dont le sujet est Dieu, la créature étant en dépendance immédiate par rapport à Dieu.

En tant que commencement d’un avenir, un tel événement ne se dévoile que dans le cours de l’histoire de chaque être. Le commencement révèle, en même temps qu’il est une donnée originale qui implique des possibilités que chacun doit assumer librement. Le commencement est par essence une potentialité qui, par sa nature même, s’insère dans le temps qui est la maturation de l’accomplissement, et s’offre ainsi aux dispositions imprévisibles de Dieu concernant les possibilités qui s’ouvrent dans le temps.

La fin est maintien, accomplissement et révélation du commencement porté par un mouvement vers l’accomplissement, dont la réalisation vient de Dieu, qui seul est à la fois commencement et fin, alpha et omega.

 

Gérard LEROY, le 8 octobre 2015