Pour Claude Geffré, op, avec mon amitié

   Las Casas, le plus célèbre des évangélisateurs du Nouveau Monde, a été un pionnier de la lutte contre le racisme, l’oppression, au cœur de la question portant sur l’incompatibilité entre colonisation et conscience chrétienne.

Bartoloméo de Las Casas est issu d’un milieu modeste. Sur les traces de son père qui s’était embarqué avec Christophe Colomb, il s’engage,  lui, en 1502, dans une expédition en charge d’achever la colonisation de l’Île d’Haïti. De retour en métropole, il se fait ordonner prêtre, à Rome, mais réserve sa première messe à l’Île d’Haïti. On donne, à cette occasion, une grande fête en présence de l’amiral Diego Colomb, le fils du découvreur.

Peu après, Las Casas est envoyé comme aumônier à Cuba. Des massacres perpétrés par les Espagnols horrifient Bartoloméo. C’est alors qu’il se voit confier la mission d’inculquer la civilisation chrétienne aux Indiens. C’est ce qu’on appelle alors l’encomienda, plus proche de l’esclavage que d'une tutelle paternelle. 

Dans les Antilles proches, des Dominicains nouveaux venus apportent l’espoir d’y créer une nouvelle chrétienté, plus fraternelle. Là, Las Casas saisit que la colonisation n’offre aucune issue ni aux Indiens, ni aux Espagnols qui espéraient fonder dans le Nouveau Monde une chrétienté hispano-indienne. Las Casas renonce et rentre en Espagne.

Il rencontre le roi Ferdinand V, assisté du cardinal Cisnéros qui renvoie Las Casas aux Antilles, avec le titre de Protecteur universel des Indiens. Nouvel échec. Nouveau retour en Espagne. Cisnéros mourant, c’est à Charles-Quint que notre homme a affaire. Celui-ci est renvoyé au Vénézuela, chargé de donner aux Indiens des conseils utiles et le modèle d’une vie chrétienne. À l’époque le christianisme ne se conçoit qu’incarné dans la civilisation chrétienne.

Sous la pression des Dominicains d’Haïti Las Casas entre dans leur ordre, duquel il reçoit une solide formation. Il favorise l’établissement des liens commerciaux entre chrétiens et Indiens. Des amitiés se créent entre ces gens plus habitués aux rapports entre maîtres et esclaves. Après une ébauche d’évangélisation dans une région du Guatémala, Las Casas revient, encore une fois, à la Cour d’Espagne où le précède un message élogieux de Mendoza, le vice-roi du Mexique.

Las Casas décrit alors le comportement des chrétiens avec les Indiens, similaires à des loups dans une bergerie, raconte-t-il. Il propose à l’empereur des solutions en vue d’améliorer le sort des Indiens, qui vont contribuer aux lois nouvelles promulguées par Charles-Quint. Mais les Espagnols craignent la fin des abus dont ils ont profité et s’arrangent pour écarter Las Casas en lui faisant assigner l’évêché du Chiapas, où il sera l’objet d’un accueil particulièrement hostile. Alors Las casas, sans faiblir, ordonne aux confesseurs de son diocèse de refuser l’absolution aux récalcitrants, de prescrire la libération des esclaves, ainsi que la restitution des biens mal acquis.

Invité par l’empereur Charles-Quint à s’expliquer devant une commission réunie à Valladolid en 1550 sur la dialectique entre l’expansion impériale et la conscience chrétienne, Las Casas s’oppose fermement au droit de faire la guerre aux Indiens. Il réussira à faire cesser toute tentative de conquête armée.

À son action directe, Las Casas a ajouté une œuvre doctrinale et scientifique considérable, et a réussi à fonder avec les Indiens du Nouveau Monde une chrétienté prospère, respectueuse de leurs droits et fidèle aux principes de l’Évangile.

 

Gérard LEROY, le 3 juillet 2015