Pour Monique Trilles, cet extrait d’une conférence donnée le 26 mars 2015, en hommage amical

Le Galiléen Jésus de Nazareth est un semeur de trouble. Il se dit partout en Israël que rien ne peut venir de bon de cette province du nord. Les Galiléens sont décrits comme des hommes frustres, bagarreurs dès l’enfance. Ils sont très mal considérés par leurs voisins du sud, les Judéens, dont ils sont séparés par la Samarie. Jésus, qui est venu à Jérusalem pour la Pâque, vient sermonner les marchands du Temple jusqu’à dévaster leurs boutiques. Une rixe, probablement, s’ensuit. On commence à suspecter Jésus d’avoir rejoint les séditieux qui veulent libérer la Palestine du joug romain. 

Jérusalem est en pleins préparatifs de la Pâque. La foule est excitée. Les juifs, assez soupe-au-lait, font craindre l’émeute. Aussi les Romains préfèrent-ils d’ordinaire résider à Césarée en Samarie, en bord de mer, plutôt qu’à Jérusalem. Les centurions sont sur leurs gardes. Jésus est arrêté. On le convoque à comparaître devant le Sanhédrin, sorte de Cour suprême religieuse créée au retour de l’exil. Un témoin rapporte au Tribunal que Jésus a dit : “Détruisez ce Temple et je le rebâtirai en trois jours”. Le Grand Prêtre, courroucé, déchire ses vêtements, et s’écrie : “Cet homme blasphème, il mérite la mort.” Le Sanhédrin condamne Jésus à mort. C’est le procurateur Pilate, seul à détenir le droit de vie et de mort en Palestine, qui va prononcer la sentence. 

Que fait le juif Jésus, condamné, en attendant son arrestation ? Il rassemble ses

disciples pour un repas spécial, une sorte d’anticipation cultuelle de sa mort annoncée. Ce repas est un repas d’institution d’une alliance nouvelle, et ceci en donnant un sens nouveau au pain et au vin qu’il partage, comme un chef de famille.

Le pain et le vin sont l’important de ce repas. D’abord, “manger du pain” c’est “prendre un repas”. La base de la nourriture sur les bords du lac de Tibériade est faite de pain et de poissons du lac. Dans l’imaginaire galiléen, le pain est rapproché de la pierre sur laquelle il cuit. Le pain est associé à la vie, la pierre à l’inertie. Dans la synagogue de Capharnaüm Jésus déclare qu’il est le pain de vie (...), celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité” (Jn 6, 35-51). Aujourd’hui plus d’un milliard d’individus identifient la personne du Messie et le pain eucharistique.

Quant au vin, à l’époque, il n’est pas d’usage quotidien. C’est la boisson de la fête. À la différence de son cousin Jean-Baptiste, Jésus boit du vin (Mt 11; Jn 2). Le “vin nouveau” marque une nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes, et devient symbole des temps messianiques. Le chrétien s’abreuvera de vin devenu, par la volonté de Dieu, le sang du Christ répandu pour les hommes. Voilà ce qu’opère ce dîner, qu’on appelle la Cène, du latin Cena, dîner du soir, qu’ont magnifiquement représentés une cinquantaine d’artistes-peintres.  

La sentence a été prononcée par le procurateur. Jésus sera crucifié.

La crucifixion a été introduite par Alexandre le Grand, qui fit “crucifier 800 Juifs devant ses yeux”, nous dit Flavius Josephe, l’historien de l’époque. En 66, une rébellion cause la crucifixion de “3630 hommes, femmes et enfants”. F. Josephe en a dénombré jusqu’à 500 en une journée. On dit que le lieu des exécutions se remarquait à première vue tant il apparaissait comme une forêt de croix.“À peine pouvait-on suffire à faire des croix et trouver de la place pour les planter” (cf F. Josèphe, Guerre de Juifs, LV, 11, 1). 

À Rome, la crucifixion est considérée comme la plus infamante des peines. Cicéron disait qu’ “entre gens bien élevés on n’osait pas prononcer le mot “croix”. La crucifixion est une châtiment réservé  aux condamnés qui n’ont pas la citoyenneté romaine. 

La croix se compose de deux parties. L’horizontale et la verticale, forment un tau-grec (T). En haut de la croix était cloué un écriteau sur lequel figurait le nom du condamné et le motif de sa condamnation. Jésus fut ensuite enseveli à la manière juive (Jn 19, 40), dans un tombeau creusé dans le jardin de l’un de ses amis (1). 

 

Gérard LEROY, le 27 mars 2015

(1) La flagellation précède la crucifixion, avec un fouet terminé par des billes de plomb ou des osselets. L’élément vertical mesure de deux mètres à cinq mètres. La croix est éventuellement aménagée d’accessoires, telle cette sellette en bois (sedilium) sur lequel le supplicié reposait à califourchon ou assis, ou cette console (suppedaneum) permettant au supplicié de poser les pieds, et de prolonger encore sa vie. Le condamné parcourt à pied le trajet allant du tribunal au lieu du supplice. Il porte lui-même le madrier horizontal de la croix, le patibulum, lequel pèse entre 50 et 80 kg. La fixation du supplicié à la croix est réalisée soit par des cordes, soit par des clous de charpentier de 15 à 17 cm. Le patibulum est ensuite posé et fixé. La mort survient au terme d’une asphyxie progressive, de plusieurs heures, voire une journée. La sépulture n’étant pas accordée systématiquement, les lambeaux des crucifiés sont dévorés par les chiens et les oiseaux. Quand la sépulture est accordée elle est conditionnée par le “coup de grâce”, donné par une lance ou un javelot (pilum) porté sur la poitrine.