Pour les grands, les moins grands et les petits Jacquier

   Sachons d’emblée que tout se décide au IVe siècle, et que chaque patriarcat, qu’il soit à Antioche, à Jérusalem, à Alexandrie, ou à Constantinople, organise ses fêtes indépendamment des autres.

Dans l’antiquité romaine le solstice d’hiver est la période choisie pour célébrer le dieu Saturne. D’où le nom de Saturnales qu’on donne à ces fêtes païennes. Les Saturnales sont aussi connues sous le nom des calendes de Janvier. Les calendes sont déterminées par la prochaine nouvelle lune ou le début du mois suivant. On ajoute “deux” au nombre de jours qui nous en sépare. Par exemple, le 22 avril est le dixième jour des calendes de mai, parce huit jours nous séparent de mai et qu’à ce nombre huit on ajoute deux.

Les Saturnales sont fêtées du 17 au 21 décembre sous César (52-44 av. J.C.), puis du 17 au 24 décembre à partir de l’empereur Dioclétien (284-305). Au cours de ces fêtes, les Romains, hommes et femmes, portent des colliers de fleurs autour du cou à la manière des Tahitiens, et s’offrent des cadeaux.

Depuis le règne d’Aurélien (270-274), Rome fête le Sol invictus, le Soleil invaincu, qui marque à la fois le solstice d’hiver et la nouvelle année qu’inaugure le rallongement des jours. 

Il est attesté que la fête de Noël repose sur un calendrier romain de 365 jours.

La mention la plus ancienne de la fête de la naissance de Jésus au 25 décembre date de l’an 354. Le document qui en fait état évoque une fête de l’Incarnation du Sauveur. L’homélie la plus ancienne qu’on connaisse pour la fête de Noël, aurait été prononcée

en Afrique en 362 ou 363, selon Simon Mimouni (cf. Le Monde de la Bible n° 211). 

À Rome, la fête de Noël rassemble les chrétiens le 25 décembre devant la basilique Saint-Pierre, laquelle commencée en 322, vient d’être achevée. C’est donc au cours du IVe siècle que la fête de la naissance de Jésus est désormais célébrée, sous le nom de Dies Natalis Domini Nostri Jesu Christi.  Autre fête importante : l’adoration des mages que la liturgie romaine célèbre le 6 janvier, tandis que la liturgie byzantine rassemble l’adoration des mages et la nativité de Jésus le 25 décembre. 

Cependant, à Constantinople, ce 6 janvier est réservé à la célébration du baptême du Christ. On y fêtait aussi l’Ascension et la Pentecôte le même jour. C’est Grégoire de Nazianze qui, en 379, introduit la fête de Noël, avec des intentions théologiques. Grégoire veut souligner en effet la divinité du Fils contre les Ariens qui la refusaient.

À Jérusalem, dès le début du christianisme, c’est la fête de l’épiphanie qui commémore la naissance de Jésus.

À Alexandrie, les paléo-chrétiens ne célèbrent que la fête de l’épiphanie, rassemblant la naissance et le baptême de Jésus. L’introduction de la fête de Noël est attestée plus tard par l’évêque Cyrille d’Alexandrie au début du Ve siècle, alors que la fête de l’épiphanie est alors ramenée à la célébration du baptême de Jésus.

À Antioche, peu après 386, Jean Chrysostome prononce une homélie sur la naissance de Jésus, après avoir fait appel aux Écritures. Jean Chrysostome défend la tradition occidentale du 25 décembre contre la tradition orientale du 6 janvier, s’appuyant sur une argumentation scripturaire (Ac 5, 34-42; Lc 2, 1-7).

En 425, l’empereur Théodose II codifie officiellement les cérémonies de la fête de Noël et, en 529, l’empereur Justinien en fait un jour chômé. Le 25 décembre coïncide avec la fête romaine du sol invictus.

Si la fête de Noël est effectivement liée à la renaissance du soleil au moment du solstice d’hiver, elle trouverait vraisemblablement son fondement dans le culte romain du sol invictus  avec la commémoration officielle du dies natalis sol invictus, “jour de la naissance du soleil invaincu”. Ce serait ce natalis extrait de son contexte païen qui constituerait l’origine du natalis chrétien, par la suite appelé Noël.

Car le mot “Noël”, explique S. Mimouni, qui n’est attesté qu’à partir de 1112 sous la forme Nael, et en 1120 sous la forme Noal advient après maintes transformations du latin natalis (de natus, né), associé au substantif dies, “jour”, pour donner la locution natalis dies, “jour de naissance”. L’expression désigne la nativité de Jésus-Christ. De natalis à Noël, la transformation a été réalisée progressivement par disparition de voyelles, puis par plusieurs affaiblissement des consonnes (lénitions). Le tréma sur le e n’est pas antérieur à 1718. 

 

Gérard LEROY, le 18 décembre 2014