Pour mes enfants

  Le P. Roland de Vaux nous invite à tenter d’apporter un éclaircissement sur ce sujet dans son deuxième tome sur “Les institutions de l’Ancien Testament” consacrées aux institutions militaires et religieuses, le premier tome étant consacré aux institutions familiales et civiles (1). En 1960, le P. de Vaux, ancien Directeur de l’École biblique et archéologique de Jérusalem, relevait la difficulté de tirer un sens du mot “Pâque” dont l’étymologie était très discutée. On n’est guère plus avancé aujourd’hui, bien qu’on soit tenté, sans être totalement assuré de la validité des hypothèses, de suggérer quelques propositions.

On a expliqué le mot “Pâque” à partir de l’akkadien, langue sémitique parlée du IVè au Ier millénaire avant J.-C., regroupant deux dialectes, le babylonien et l’assyrien. Le mot akkadien qu’on traduit par “Pâque” signifie “apaiser”.

On a proposé une origine égyptienne à ce mot qui traduirait un “coup”, renvoyant à la dixième des plaies d’Égypte, ce qui n’apparaît ni convaincant, ni vraisemblable.

C’est préférentiellement vers une origine sémitique qu’ on se penche, rattachant le mot “Pâque” à la racine psh sur laquelle se construit le verbe pâsah qui signifie “boiter”, ou “danser”, ou encore, plus fondamentalement, “heurter” ou “rebondir”. Cette hypothèse n’est pas écartée.

Le P. Jacques Briend, archéologue professeur à l’Institut Catholique de Paris et ancien directeur du Monde de la Bible, ne pense pas que la fête de la Pâque ait comporté une danse particulière, toute mention d’une danse étant absente des textes à propos de cette fête.

La recherche étymologique ne satisfait donc pas.

Si en revanche on s’en tient à l’usage on retiendra que dans la Bible le mot Pâque peut avoir deux sens. Chaque fois qu’il est employé le mot désigne l’ensemble des rites propres à la fête et donc l’action liturgique qui l’encadre. La Pâque est aussi présentée comme une coutume, au sens large, à respecter, plus encore “à faire”. Car il s’agit de “faire la Pâque”, autrement dit de la célébrer.

C’est le même mot de “Pâque” qui est utilisé pour désigner la victime pascale. Ainsi s’apprête-t-on à “immoler” la Pâque, à “manger” la Pâque, à “sacrifier” la Pâque”, et même à la “faire cuire”.

Depuis l’installation des Juges en Canaan au XIIe siècle avant Jésus-Christ cette fête renouvelle chaque 14 nisan (mars-avril) la première pâque d’Israël commémorant le salut des premiers-nés d’Israël et la sortie d’Égypte. Le rite inclut l’immolation d’un agneau et un repas en famille suivant la tradition, avec du pain non fermenté, des herbes amères, quatre verres bus à la ronde, et des chants de louange.

Les travaux qui ont porté sur le thème de la Pâque chez Philon d’Alexandrie, ont révélé que Philon avait interprété le mot “Pâque” selon Ex 12, 21-23, comme un verbe signifiant “passer par dessus”, interprétation assez répandue dans l’exégèse courante. Le substantif serait donc un “passage”.

Chez les auteurs chrétiens des premiers siècles, tels Irénée de Lyon au IIIè siècle, la Pâque est interprétée comme “passion”. Clément d’Alexandrie et Origène, quant à eux, se rapprochent de la tradition juive et interprètent la Pâque en s'appuyant sur la racine psh d'où découle un autre mot que le verbe pasah, c'est le mot pesah qui signifie passage. C'est cette approche de la Pâque qu'adoptent, au XXe siècle, nombre d'exégètes, comme le théologien Karl Rahner dans son Dictionnaire de théologie (2), qui rejoint Philon d’Alexandrie et interprète la Pâque comme un passage.

La tradition chrétienne a voulu récapituler l’ancienne alliance et la nouvelle alliance. L’agneau pascal préfigure alors le Christ qui a lui-même fêté la pâque juive de l’Ancien Testament en instituant la nouvelle alliance dans une anticipation cultuelle de sa mort, appliquant au pain et au calice un sens nouveau que, par amour, le Seigneur offre à la multitude des hommes pour leur salut .

Gérard LEROY, le 28 mars 2012

  1. R; de Vaux, Les Institutions de l’Ancien Testament, T. I & II, éd. du Cerf, 1961.
  2. Karl Rahner/ Herbert Vorgrimler, Petit dictionnaire de théologie catholique, éd. du Seuil, 1969.