Pour les Frères franciscains de Narbonne, fraternellement

   La Cène du jeudi saint est en quelque sorte l’anamnèse qui donne du futur à la mémoire. La crucifixion et les dernières paroles du Christ attestent de la condition tout humaine de ce Yehôchûa. La Résurrection est l’invitation faite à l’humanité de suivre le premier ressuscité d’entre les morts.

La Pâque nouvelle a été instaurée par celui qui se présente comme le Fils de l’Homme, lequel est  traversé au moment de rendre son dernier souffle par la même angoisse qui traverse tout homme au moment de fermer les volets : « Abba, Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Autrement dit « Pourquoi tu n’es pas là ? »… au moment même où j’ai besoin de toi, au moment même où je ne suis rien sans toi.

Quelles sont les premières paroles qu’on entend au matin de la Résurrection ? C’est le cri même de ces femmes qui ont constaté que le tombeau était vide : « Où l’avez-vous mis ? » demandent-elles aux disciples. « Nous aurait-il abandonné ? » « Pourquoi n’est-il pas là ? ».

N’entend-on pas la similitude des premières paroles de la Résurrection et des dernières paroles de Jésus de Nazareth expirant sur la Croix ? Le christianisme est fondé par une Absence originaire, par le manque, le retrait. Jésus est ressuscité corporellement. Mais Jésus meurt à sa particularité pour renaître en figure d’universalité concrète. Jésus de Nazareth s’est sacrifié à Jésus en tant que Christ. Paul Tillich disait que “le Christ de Jésus est la négation de Jésus de Nazareth.”

Les chrétiens ne sont fidèles à leur singularité propre que pour autant ils font la preuve que loin d’appartenir à une religion impérialiste et inclusive, le christianisme se définit par la kénose du Dieu de Jésus-Christ et du Christ lui-même. L’expérience chrétienne est d’abord l’expérience de cette origine toujours manquante qu’est l’altérité même de Dieu, que vient nous rappeler pour nous relier à lui : l’Esprit. L’Esprit qui engage et soutient le chrétien dans le témoignage de l’intronisation messianique dans l’histoire humaine.

 

Gérard LEROY, 1er avril 2018