Tous les chemins, dit-on, mènent à Rome. Et beaucoup s’en détournent. Au profit de destinations à la mode où l’on accourt en quête de l’éphémère clinquant.

Si, comme vous peut-être, je me rendais à Rome, la tête encore pleine de souvenirs et aussi de projets, je m’offrirais à nouveau de commencer mon periple par la Basilique, pour prier à la crypte auprès du tombeau de Saint-Pierre. Je profiterais de la proximité du Vatican pour aller déambuler dans ses méandres. Tout cela m’apparaît incontournable. Puis, par goût, j’irais à la rencontre de tous les vestiges de la période qui couvre le temps de l’irruption chrétienne, à l’heure où Rome est encore si prestigieuse qu’on n’envisage pas la Cité autrement qu’éternelle.

Vous êtes prêt à me suivre ? Alors je vous emmène sur la via Appia, construite au début du IVe siècle av. J.C, histoire de se mettre au pas des légions romaines ! On découvre l’état des routes à cette époque, avec la partie réservée aux voitures attelées et aux quadrupèdes, bordées par un trottoir de chaque côté emprunté par les bipèdes. De Rome partaient une trentaine de routes, que la Poste romaine utilisait. La Via Appia Antica est magnifiquement bordée de cèdres et l’on s’imagine bien qu’elle soit traversée par des troupeaux de moutons. Tout cela sur fond de ciel azur. On parcourait à l’époque un peu moins que la distance d’un marathon par jour. On s’arrêtait pour se désaltérer dans des tavernes de la Poste de l’État ou bien dans des petites auberges privées réservées à ceux qui n’avaient pas accès à ces tavernes.

En arpentant la Via Appia, nous passerions à l’ombre de l’Arc de Triomphe en nous remémorant l’arrivée d’Abebe Bikila au marathon des J.O de Rome en 1960. Ah c’est vrai ! Vous n’étiez pas nés, n’est-ce pas ?

Nous ne pourrions pas éviter le Colisée, inauguré par Titus (l’amant de la p’tite Bérénice), qui assiégea Jérusalem en 70 en tant que général, avant d’accéder à la fonction impériale. L’inauguration du Colisée fut une fiesta gigantesque qui reste encore dans la mémoire des morts. Les guides nous raconteraient.

L’édifice est à étages et devait avoir une allure majestueuse et imposante. Retenez les dimensions qui vous laisseront pantois, ainsi que les techniques de construction. Le Colisée pouvait accueillir autant de spectateurs que le Parc des Princes, soit environ cinquante mille personnes. Imaginez cette foule en liesse, les gladiateurs qui se présentent devant César et criant fièrement (morts de trouille aussi sans doute, non ?) : “Ave Cesar, morituri te salutant”. Les bêtes féroces, remontées par des moyens mécaniques de leur fosse dévalaient dans l’arène dont le plancher est aujourd’hui enlevé. Ce qui se passait après confine à l’horrible. Les morts, humains et bêtes, étaient dégagés par la porte opposée à celle par laquelle ils étaient entrés vivants.  

Je retournerais bien au Cirque. Pas vous ? Il y en avait quatre importants à Rome. Les plus anciens datent du IVe siècle av. J.C. Les Romains aimaient les courses de chevaux. Souvenez-vous de Ben Hur ! Déjà sous Auguste pouvaient se dérouler plus de dix courses dans la journée. Sous les Flaviens on était passé à cent ! Mais à l'époque de César ou d’Auguste on y faisait défiler des éléphants. On prendrait notre temps, n’est-ce pas ? Nous irions voir le Cirque de Maxence sur la Via Appia, le mieux conservé, ou bien le Cirque de Caligula et Néron. L’ensemble, étroit et long (jusqu’à six cent mètres), ressemble de très près au Cirque d’Arles, qui pouvait accueillir dix mille spectateurs.

Puis je vous emmenerais bien faire un tour à Ostie. D’abord fondée au IVe s. av. J.C, et coïncidant avec l’émission de la première monnaie romaine, la ville d’Ostie devint un port dont la construction commença sous l’empereur Claude et fut terminée par Néron au premier siècle. Ostie était alors une station balnéaire, hors les murs. Une fresque, contemporaine d'Hadrien, représente les sept sages de la Grèce (Thalès et consorts) siégeant côte à côte dans les latrines, cogitant avec une gravité de circonstance sur l'activité en cours qu'ils mènent de concert !

Nous ne resisterions pas à l’envie d’aller visiter les Catacombes. Celles qui restent en ma mémoire sont celles où mourut Sainte-Cécile, face contre sol. Les catacombes étaient en effet les lieux de sépulture des premiers chrétiens. Mais on y célébrait aussi des messes et l’on pouvait même y dormir dans des dortoirs aménagés. J’ignore dans laquelle de ces catacombes on trouve encore sculpté sur quelque linteau le signe du poisson par lequel se reconnaissaient les chrétiens. Ce logo, ésotérique, avait sa signification. Le Poisson, en gr. ikhthys, ικητηψσ, emblème des chrétiens, se décompose de la façon suivante :

I       comme iésous        Jésus
kh    comme Christos      Christ
th     comme theou          de Dieu
y      comme yios             Fils
s      comme soter           Sauveur

Un cabinet d’études n’aurait pas mieux fait.

Les catacombes étaient des cimetières souterrains chrétiens situés en dehors de la ville, la loi romaine interdisant toute sépulture à l’intérieur de la cité. On en dénombre quarante-cinq autour de Rome. Il se dit que si on les mettait bout-à-bout la longueur totale atteindrait neuf cent kilomètres ! On a calculé que six millions de personnes y furent enterrées en trois cents ans.

Au 42 de la Via Silvio d’Amicio on a découvert récemment les restes d’un cimetière païen, tout près d’une basilique chrétienne, à 500 mètres seulement de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs où de récentes découvertes, là encore, confirment la présence des restes de l’apôtre dont le lieu du supplice sur lequel a été érigé l’abbaye des Trois-Fontaines n’est pas très éloigné. C’est donc dans tout ce quartier que furent célébrés les offices des premiers chrétiens romains. C’est à cet endroit qu’on vient de découvrir la catacombe de sainte Thècle. Cette compagne de Saint-Paul était versée, selon les spécialistes, dans la philosophie et les sciences. Son vœu de se maintenir vierge fut dénoncé par un jaloux qui la prisait. Mais sainte Thècle ne succomba pas aux maints supplices qu’on lui fit subir et mourut de sa belle mort à 80 ans !

Nous irions traîner vers quelques fontaines. Leur réalisation va de pair avec les aqueducs édifiés pour faire face aux exigences pratiques des Romains. Les fontaines n’ont qu’un but esthétique. Les plus anciens vestiges de ces fontaines datent de l’Empereur Domitien (vers l’an 80). Du temps d’Auguste il en existait, dit-on, cinq cent; plus de mille à peine cent ans plus tard !

Nous ne pourrions pas passer dans Rome sans voir le Capitole, symbole et gardien des pouvoirs religieux et politique, bastion de Rome dominant le Tibre. On l’appelait ainsi parce qu’on y aurait découvert un crâne humain (caput). Si vous aimez la sculpture vous apprécieriez les marbres et les mosaïques.

Tout près nous découvririons ce qui reste d’un Temple dédié à Jupiter, maintes fois incendié et reconstruit chaque fois de plus belle. Les spécialistes pensent que la statue de Jupiter était en or. Pas touche ! Mais si, mais si... les barbares sont passés avant nous ! On apercevrait la statue de Marc-Aurèle, cet empereur philosophe qui a condamné Justin de Rome “en raison de cette insupportable “déviation” dans le monde des idées qui entraîne une véritable révolution dans la définition du divin". On ne rigolait pas avec ces choses-là.
 
En sortant, nous flânerions sur le Forum, lieu de rencontre des Romains. Tout près se dressent des édifices à caractère aussi bien religieux que politique ou administratif.

Il y a encore plein d’autres choses à voir.

Mesdames, nous ne manquerions pas de faire un détour par la rue de la République où tout ce qui se fait de plus élégant au monde est en vitrine. Car si l’on ne manque pas d’être frappé par l’élégance architecturale de la ville, on l’est encore par l'élégance masculine des Italiens. On sait aussi que le design de Milan ne se limite pas à la Lombardie et est envié par le monde entier.

Il ne nous resterait plus qu’à nous trouver le bon p’tit restau où l’on dîne aux chandelles, après les éprouvantes escapades de la journée. Vive les pâtes !

Alors, on prend un ticket pour Rome ?
 

 

Gérard LEROY, le 27 juillet 2010