Pour Jean-Manuel Richier, cette courte réflexion en réponse à notre dernier échange amical

   L’encyclique Gaudium et Spes, résultat du travail des pères durant les 4 sessions du concile, est la la réponse la plus explicite au vœu de Jean XXIII : instaurer un dialogue entre l’Église et le monde de notre temps. Ce texte souligne l’esprit de Vatican II qui a donné au mot "monde" un sens anthropologique qu’il n’avait pas auparavant. 

Auparavant le monde était considéré comme le cadre neutre dans lequel se déroule l'histoire du Salut, ou même parfois comme un obstacle à la grâce, obstacle que l'emprise du Salut devait d'abord dénoncer. 

Auparavant on acceptait le monde tel qu’il se présentait. On s’accordait autour d’un certain consensus, acceptant tout ce qui advient comme naturel ; on consentait à la passivité, sans l’idée que nos propres talents pourraient se donner la mission de le transformer. 

Le monde, c'est le projet global des libertés humaines dans un temps donné de l'histoire; non pas une réalité statique, mais une création qui est le fruit de la projection des libertés humaines, de leurs interrogations, de leurs projets, et principalement celui de mêler son histoire propre à l’histoire de son temps pour participer à la réalisation d’une totalité humaine.

Gaudium et Spes estime qu'il y a solidarité entre ces deux réalités distinctes que sont le projet global du monde et l'agir du Salut, qu'il y a convergence entre la réalité du monde et

la réalité du Salut, que l'avenir du Salut passe nécessairement par l'avenir du monde sans cependant s'y réduire. Le Concile reconnaît dans le monde un partenaire de l'entreprise du Salut. C'est dans et par la construction du monde, par les libertés humaines, que se réalisera le projet de Dieu.

Quand Gaudium et Spes parle du monde il en parle comme d'une réalité dynamique, d'un en-avant, d'une construction dans laquelle l'homme va investir sa liberté. Il en parle d'une façon optimiste; l'homme peut et doit y incorporer ses valeurs. La Constitution Gaudium et spes parle de l’homme comme pris dans une société, comme d'une réalité collective. Le monde est le lieu du projet des libertés humaines, dans un temps donné. Le monde est un milieu fécondant, lieu de la mise en acte de la vérification de la dignité humaine, de la conscience.

S'il est vrai que le monde est construction et projet et qu'il n'y a pas d'agir de l'Église qui ne soit solidaire de l'agir du monde, et que la théologie pastorale est l'instance réflexive de l'agir ecclésial dans son développement, il s'ensuit qu'il n'y a pas de théologie pastorale qui ne soit actuelle. Et plus une théologie pastorale est actuelle,     autrement dit plus son discours sur Dieu est confronté avec l'agir du monde, plus elle est efficace et authentique. Ainsi faisaient les prophètes qui mettaient Dieu dans l'actualité, sans Le soumettre à la mode ou l’inscrire dans un slogan.

 

Gérard LEROY, le 16 février 2015