Pour Bernard Touchot, avec amitié

   On avait bien senti que l’équipe d’Antoine De Caunes éprouvait quelque difficulté après le départ du timonier Michel Denisot. De Caunes n’a pas réussi à endiguer la baisse d’audience amorcée peu après son arrivée. L’audience continue de chuter. Jugez plutôt : 1 million 200000 téléspectateurs chaque soir de l’ère Denisot, 915000 lors de la 1ère de Maïtena Biraben lundi 7/9, 611000 le 4ème soir !

Que s’est-il passé ? Déjà l’an dernier on avait observé un petit couac à la rentrée : la truculente miss météo Doria Tillier, qui avait enchanté les téléspectateurs l’année précédente, était remplacée. La succession était délicate. La présentatrice “ramait”. Au point qu’il a fallu, au pied levé, trouver d’urgence une autre formule. De son côté Jean Michel Aphatie n’avait plus qu’un rôle de figurant alors que deux ans plus tôt ses analyses politiques faisaient le délice des auditeurs, même s’ils s’en distanciaient, car J.M. Aphatie ne fermait jamais les portes. La compétence de Natacha Polony, tout comme celle d’Augustin Trapenard, avait de quoi rassurer. L’auditoire pourtant continuait de décliner.

Qu’est-il advenu ?

Les acteurs, pas nés de la dernière pluie, rayonnent de leur charisme autant que de leur compétence. Maïtena Biraben, jeune femme vive et souriante est plaisante. Mais son recrutement ne signifie-t-il pas que la page est tournée ? L’ambiance reste le plus souvent décontractée, la rhétorique de mise. Alors, que se passe-t-il ?

Ce que l’on n’observe pas, c’est la réussite croissante d’une émission concurrente, dans le même créneau horaire, “C à vous”, sur France 5, qui enregistre 744000 téléspectateurs le jeudi 10/9. D’une manière tout aussi décontractée, mais le contexte s’y prête plus, les animateurs de cette émission reçoivent des invités qui dans l’ensemble dérident et intéressent. Les dialogues, pas toujours compréhensibles mais sur toutes les chaînes on se met à parler en même temps que les autres, les dialogues évitent la platitude, les informations surprennent, l’humour est au rendez-vous. Bref, l’émission que jadis on zappait sans trop savoir pourquoi, retient aujourd’hui de plus en plus l’attention.

 Michel Denisot avait le talent, rare à présent, d’écouter, de bien écouter, c’est-à-dire de rebondir sur ce que l’interviewé disait, respectant sa pensée. C’est un peu ce qui a manqué à l’équipe qui lui a succédé, comme à Maïtena Biraben qui parfois tente en vain d’opérer comme Calvi à l’émission “C dans l’air”. 

De plus, on peut déplorer que “l’esprit canal”, se métamorphose peu à peu en cheval de Troie d’une idéologie bien pensante, qui imprègne les mentalités, façonne la culture, comme s’il allait de soi de correspondre à l’esprit du temps. Car sous la bigarrure troublante des prêts-à-penser s’impose une idéologie dominante qui tient lieu de pensée, celle des bobo germanopratins, ostensiblement fiers de se ranger à gauche. Ils vous abreuvent de leurs pensées plutôt que de vous donner à penser. Ils se montrent un tantinet condescendants vis à vis de ceux qui n’épousent pas leur moule, politique ou religieux, qui ne rentrent pas dans le rang, qu’ils placent en marge de ce nouveau politiquement correct. Derrière eux, le beau monde qui se hausse du col emboîte le pas.

Les chrétiens, souvent moqués, sont la cible d’invités réguliers, comme les Femen, Caroline Fourest, le suffisant Michel Onfray, soutenu par la complaisance sans faille des antennes du service public qui lui permettent de vomir sa critique virulente des religions. On comprend du coup les réactions face à la désignation de Guillaume Zeller à I-Télé, dont la proximité avec les milieux cathos fait grincer les dents.

Les débats télé, parfois jalonnés de chamailleries puériles, ne trouvent plus d’écho dans un public avant tout préoccupé par la difficulté de joindre les deux bouts. Ce Grand Journal, qui fut souvent exaltant, accentue le décalage avec une France qui a d’autres chats à fouetter et ne se trémousse plus devant les logorrhées narcissiques. Bref, le bateau prend l'eau. Et l’on entend déjà les premières mesures de l’oraison funèbre du Grand journal de Canal +. Hélas.

 

Gérard LEROY, le 17 septembre 2015