C’est à la charnière du XIXe siècle et du XXe siècle, que naît le catholicisme libéral. Ce courant exalte la liberté comme principe qui régit la vie sociale, politique et religieuse. Le libéralisme catholique se définit donc comme étant essentiellement une tendance à exalter la liberté comme valeur première. Avec les conséquences que cela entraîne : on en vient à vouloir concilier des inconciliables, les principes sur lesquels étaient fondés la France chrétienne et ceux qui découlent de la Révolution. Ce courant est combattu par d’autres catholiques intransigeants et radicaux. Ces derniers, sont catalogués comme intégristes.  

L’ “intégrisme” est né en 1890 d’un parti politique espagnol  à la faveur d’une publication de Rome, un syllabus, contre les erreurs modernistes. Quelles sont ces erreurs ? Ce que promeut la modernité, courant à la fois anthropologique, politico-social, et psychologique, qui vante la démocratie, la liberté religieuse, les théories darwinistes, le progrès scientifique, la laïcité, l’autonomie, l’esprit critique. 

L’intégrisme catholique apparaît en France au cours de la seconde moitié de ce XIXe siècle, coïncidant avec la dernière onde de choc du phénomène de sécularisation. L’homme prend alors de la distance par rapport à tout pouvoir, toute norme faisant appel à une transcendance. Ainsi prend-il, peu à peu, de la distance par rapport aux explications religieuses concernant

la morale, ses choix de conscience, l’usage de sa liberté personnelle. 

À l’opposé les intégristes s’efforcent de maintenir le pouvoir du Saint-Siège, l’infaillibilité pontificale, l’importance de la philosophie scolastique. Ils prétendent que la loi divine doit présider au gouvernement des sociétés. Le conservatisme de ces gens aboutit à leur faire confondre la dévotion au passé avec la fidélité à l’Éternel. 

À la veille de la seconde guerre mondiale, le président du Conseil radical Edouard Daladier tente l’apaisement des relations entre l'Église et l'État. Ces relations étant rétablies, la réconciliation s’installe, à la faveur, d’une part, de la renaissance intellectuelle, qui sera développée au XXe siècle avec Maurice Blondel, Etienne Gilson, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, François Mauriac etc., et à la faveur d’autre part de la préoccupation sociale des organisations catholiques qui s'apprête à déboucher sur la création de syndicats chrétiens. 

Un regain de réflexion philosophique est aiguillonné par Emmanuel Mounier, directeur de la revue “Esprit” qui réunit catholiques, protestants et incroyants. Mounier s’attelle à une tâche ambitieuse. Il refuse de lier Esprit à un parti, mais veut en faire une invite permanente à lutter contre toutes les formes d’oppression qui portent atteinte à la personne, et à rappeler les exigences de l’esprit dans les âpres combats politiques.

Ce n’est pas un scoop de déclarer que les rapports entre l’Église et la société ont été, depuis le XVIIIe siècle, des rapports conflictuels. C’était le conflit, inévitable alors, de deux autorités: celle de la raison et celle d’une institution attachée à ses privilèges. 

Si la raison, trop sûre d’elle-même, a montré ses limites, on serait de bien mauvaise foi de ne pas reconnaître les acquis irréversibles de la modernité, ainsi l’accès à l’autonomie des sociétés civiles et de la culture, l’adoption de la raison démocratique comme principe de fonctionnement des sociétés; la modernité c’est enfin l’émancipation réciproque du religieux et du politique et la légitimité de l’État moderne comme État de droit.

Au cours de ces deux derniers siècles, le développement de l’industrie a entraîné des bouleversements sociaux considérables. On a vu naître la misère et le prolétariat, tandis que des enfants de 10, 8, et même 6 ans sont envoyés à l’usine. On sait que la philosophie de Marx s’est fondée sur son indignation, que l’on partagerait aujourd’hui, devant ces conditions de travail abominables.

C’est en regard de ces conditions de travail et à la faveur de la préoccupation sociale de catholiques que sont nés, au début du XXe siècle, les premiers syndicats chrétiens.  On a appelé ce mouvement et cet effort le catholicisme social, qui se développe en même temps que cette formidable renaissance intellectuelle déclenchée par bon nombre de catholiques. 

 

Gérard LEROY, le 26 décembre 2014