Pour Arnaud, mon neveu, que j'embrasse

   L’idéologie totalitaire qui se réclame de l’islam a rassemblé les radicaux qui développent leur communication pour attirer des individus solitaires, qui ne trouvent pas leur place. 

Ceux qui s’y laissent prendre sont des jeunes gens , à peine sortis de l’adolescence, qui n’ont de loi que celle de leur bande, qui n’ont de langue que cette violence verbale à peine compréhensible, agressive, injurieuse, accompagnée de gestes obscènes. Qui sont-ils ? On les voit groupés, se mouvoir en vagues. Ils errent, oisifs, comme des êtres factices habités par l’ennui. Ces jeunes gens n’ont sans doute jamais rencontré quelqu’un qui leur montre l’interdit, celui qu’adopte la société pour tenter de vivre en paix. Ces jeunes gens, vous n’auriez pas pu les rencontrer dans la cour de l’école. Ils n’y sont pas allés, à l’école ! Leur univers est tracé, frontiérisé par les drogues, de l’alcool, des décibels assourdissants, des grasses matinées qui empiètent sur l’après-midi, des nuits à errer en quête de baston et de courses poursuites avec la police aux fesses. Leurs vies sont sans projet, sans futur, vides. En marge de l’humain, de la culture, de la morale, du respect. Dépourvus. Isolés. Marginalisés. 

À la recherche d’une reconnaissance qui ne peut s’envisager que sous condition d’identité, tout individu est horriblement vulnérable, mortellement. Il se met en quête d’un véritable sentiment d’appartenance, au sein d’un groupe, n’importe lequel pourvu qu’il en trouve un, qui de surcroît l’appelle. 

À l’observation de ce phénomène s’amplifiant, on perçoit qu’il est alors aisé de rallier quelqu’un à une idéologie extrémiste. Prenons pour exemple un jeune homme, de culture musulmane, qui a grandi dans un pays occidental. Il perçoit depuis dix ans l’islamophobie grandissante et omniprésente dans les médias. Il en vient à abandonner les journaux d’information traditionnels, auxquels il ne fait plus confiance. Il lui faut une source alternative, avec un point de vue fort, qui le séduit. Où aller chercher ? Sur internet ! Sur internet, qui parle ? Quel point de vue est représenté ? Quelle vérité ?

Si certaines images sont insoutenables, en même temps le récit très puissant fascine, capte. Peu à peu l’individu se désensibilise à la violence. Pour finir, il suffit qu’on lui cite le Coran de manière très charismatique : “Nous devons faire le djihad, et si nous devenons des martyrs, nous connaîtrons la gloire de l’islam et l’honneur de sauver le monde”. 

Pour quelqu’un qui n’est rien, qui ne reçoit qu’un regard fugace le vendredi, pour peu qu’il prenne la peine de se rendre à la mosquée, de la part de ses coreligionnaires, qui croise une société comme on croise un fantôme, qui ne reçoit aucune considération, qui se sent rejeté, exclu, comme le fut Ismaël, là il peut accéder à la gloire d’être un guerrier.

La clé de cette dérive, c’est la vulnérabilité. Il est facile de se servir de leur colère et de leur désespoir. C’est un jeu d’enfants.

 

Gérard LEROY, le 27 juin 2015