Pour Bruno, en hommage affectueux,

L’Église est allée de la promotion de l’intervention de l’État au soutien de l’initiative privée.

Rerum Novarum, la première de la série des encycliques sociales, paraît en 1891. Elle est signée du pape Léon XIII, et porte, entre autres, sur les droits et les devoirs de l'État.

Quarante ans plus tard, Quadragesimo anno (1931), de Pie XI, introduit le concept de subsidiarité. La subsidiarité permet à tout groupe humain, de la famille jusqu'à l'empire, de gérer ses affaires à la mesure de ses moyens, et ne transmettre le pouvoir à une autorité supérieure que pour les questions que ce groupe humain ne peut gérer lui-même. Conjugué avec le principe de solidarité, il permet à l’État de servir la personne humaine, en contrôlant l’excès des tendances individualistes. Ainsi les États de l’Union Européenne garderaient leur autorité sur tout ce qu’ils peuvent gérer directement, et délègueraient au pouvoir fédéral de Bruxelles ce qui n’altèrerait pas leur souveraineté. Ce concept, apprécié d'Emmanuel Mounier et de sa philosophie personnaliste, est capital dans Quadragesimo Anno, au n°87. Remarquons qu'il a été repris dans le Traité de Maastricht.

La constitution Gaudium et Spes, parue au terme de Vatican II en 1965, remet l'homme au centre d'un processus qui replace l'économie au service de l'homme, lequel est "bâtisseur de la Cité terrestre" (Saint-Augustin). Gaudium et Spes est l'une des plus riches encycliques sociales, qui traite des devoirs envers la communauté (§ 65), du salaire des immigrés (§ 66), de la protection sociale, et qui donne la priorité au travail sur le capital (§ 67), ce qui paraît être bien négligé aujourd'hui.

En 1967, l'encyclique Populorum progressio du pape Paul VI, qui met l'accent sur le développement des peuples, promeut l'intervention de l'État en faveur de l'initiative privée. Quatre ans plus tard, le même Paul VI dans Octogesima adveniens (1971), s'en prend à la doctrine libéraliste du philosophe et économiste autrichien Friedrich Hayek, et aux excès de la politique américaine de R. Reagan, ou même à ceux de Miss Tatcher en Grande-Bretagne.  

Au nom de l’efficacité économique, au nom de la liberté de l’individu face aux entreprises, contre les tendances totalitaires des pouvoirs publics, l'encyclique encourage le développement de l’initiative personnelle et alerte dans le même temps sur le libéralisme économique entaché de libéralisme philosophique lui-même entaché de radicalisme sans limite.

En 1981, Laborem exercens socialis met l'accent sur la dignité des travailleurs et la justice. Jean-Paul II publiera ensuite Sollicitudo Rei portant sur le développement et particulièrement sur les pays pauvres, puis Centesimus annus en 1991, date anniversaire de l'encyclique Rerum Novarum. Ce texte recommande d'organiser l'économie en subordonnant celle-ci à la satisfaction des besoins de l'homme. Il montre l'attachement du chrétien en tant que tel à la liberté d'entreprendre, tout en dénonçant une économie libérale débridée qui écrase les faibles et exclut.

L’économie libérale est-elle réellement libérale ? Sous l’apparence d’une certaine liberté on en arrive à favoriser l’écrasement des plus faibles. Les vraies mesures libérales luttent contre les blocs qui monopolisent (d’où la Direction de la concurrence à la commission économique de Bruxelles).

L’homme est une personne sociale, qui n’existe pas sans l'autre. L’Église réaffirme le service de l’homme lui-même, pour lui donner l’occasion de se développer (1).

Si le libéralisme est sensible à la valeur de liberté individuelle, le néolibéralisme est prôné par des gens d'abord attachés à l’efficience, à l’efficacité. Dans sa perspective le néolibéralisme a développé le progrès par la sélection naturelle. On a appellé ça le darwinisme social. Au fond, c’est un collectivisme, qui n’est pas radicalement opposé au concept de socialisme collectiviste.

Le message chrétien en face du néolibéralisme montre nécessaire la participation de chacun, l’initiative et la responsabilité,  à tout le processus économique.

 

 

Gérard LEROY

 

 

  • (1) cf. J.-P. II, Centesimus annus, § sur les politiques libérales actuelles qui sont loin de satisfaire tous les hommes.