Pour l'équipe de réflexion sur la bioéthique du diocèse de Carcassonne et Narbonne. Avec ma cordiale sympathie

Le dynamisme de l’intention éthique pose les acteurs éthiques en situation de responsabilité, d’accueil, de reconnaissance, par la médiation de la valeur, à partir de nos différences, de nos affrontements, en vue de participer au renforcement, au maintien ou à l’avènement d’une vie qui n’a de sens qu’en étant humaine.

Au bout de la chaîne il y a la loi. Elle appelle chaque conduite humaine à la reconnaissance de sa dimension d’universalité, laquelle garantit chacun, dans sa singularité.

La loi n’est pas fondement. Elle restitue ainsi à l’éthique son dynamisme moteur. Derrière les institutions abstraites, les instances administratives, il y a toujours des visages concrets, des personnes de chair et d’os, singulières, irréductibles dans leur singularité, transcendantes, qui, comme tout un chacun, vivent des émotions, éprouvent la vulnérabilité de leur finitude, le “souci” selon l’acception de M. Heidegger, connaissant les épreuves, la faim, l'angoisse, la contrainte. Le visage humain est sacré. C’est de lui qu’émane l’impératif “Tu ne tueras point”. C’est de lui que je suis responsable. "Chaque visage est l’Horeb d’où procède la voix qui interdit le meurtre", a écrit E. Lévinas. La responsabilité originaire me lie à autrui.

L’éthique ne commet pas une erreur épistémologique quand elle s’autorise à recourir au concept de nature humaine, à condition de bien préciser ce qu’elle entend par ce concept. Reconnaître l’existence d’une nature humaine, avec l’acception que lui donne la philosophie moderne, c’est reconnaître deux faits :

Le premier révèle que tout être humain a une dimension singulière à laquelle s'ajoute sa dimension particulière. Mais il a aussi une dimension universelle. Cela signifie que tout être humain peut voir en un autre être humain un semblable, autrement dit un frère ou un rival. Réfléchir à l’éthique c’est réfléchir à l’articulation de l’universel humain, du particulier culturel et du singulier intime.

Le second fait traduit la limite de notre liberté. La liberté de l’homme n’est pas toute-puissante. Elle ne peut s’exercer qu’en tenant compte des lois de sa “nature”, sous peine de s’annuler elle-même. La liberté ne peut disposer d’un pouvoir despotique sur l’être humain. Devenir sujet n’est possible qu’en s’assujettissant à un certain nombre de réalités. C’est ici que l’on rencontre le problème de l’éthique, au niveau précisément où l’éthique se préoccupe de l’avènement du sujet, perçu dans ses relations avec les autres sujets. Quel est l’usage de la liberté qui va permettre à chaque être humain de devenir lui-même, dans la reconnaissance de ses dimensions singulière, particulière et universelle ? Quelles sont les réalités auxquelles doit nécessairement s’assujettir la liberté pour pouvoir s'exercer ? Quels sont les interdits qui permettront au sujet de déboucher sur une “inter-diction” libre ? Que doivent éviter ou faire les êtres humains pour que le tissu social qui les relient puisse ne pas être déstructuré par la violence réciproque ?

Telles sont quelques unes des questions auxquelles tente de répondre toute réflexion éthique.
 

 

G. LEROY

Quelques ouvrages particulièrement éclairants sur ce sujet

- Xavier Thévenot, La bioéthique, Ed. Le centurion
- Paul Ricœur, Avant la loi morale l’éthique, Encyclopedia Universalis
- Xavier Thévenot, Avance en eaux profondes, Ed. DDB
- Denis Vasse, La vie et les vivants, Seuil

- Marc Grassin, Le nouveau né entre la vie et la mort, DDB
- René Simon, Éthique de la responsabilité, Ed. du Cerf