Pour Bertrand et Edwige, cette information partagée

   L’EIIL est un mouvement islamiste sunnite fondé en Irak en 2004, par le Jordanien Ayman al-Zarkhaoui qui succède à Ben Laden, mais dont les relations avec al-Qaida deviennent si ambigües que les deux mouvements deviennent rivaux. Zarkhaoui fonde alors “Al-Qaida en Mésopotamie” pour lutter contre l’occupation américaine. Violent et sectaire Zarkaoui est finalement rejeté par les populations sunnites et surtout par al-Qaida. Il est tué lors d’un bombardement américain en 2006.

En 2007 le mouvement resurgit sous l’appellation d’ “État islamique en Irak”. Sous la pression des Américains, de l’armée irakienne et de milices sunnites, les djihadistes sont repoussés dans les provinces désertiques d’Anbar (sud-ouest de l’Irak) et de Ninive (nord).

Marginalisé sur sa terre natale l’EII se recycle en Syrie, à la faveur de la tension entre les alaouites et des groupes rebelles issus de la majorité sunnite. Les djihadistes étrangers (d’Égypte, de Jordanie, d’Irak, d’Europe même) profitent alors de la porosité des frontières pour rejoindre les rebelles à Damas.

Après avoir soutenu le groupe djihadiste syrien Jabhat al Nosra, l’EII envoie des hommes dans le nord de la Syrie sous une nouvelle bannière : L’ÉTAT ISLAMIQUE EN IRAK ET AU LEVANT (EIIL). 

L’EIIL dont la violence le caractérise toujours, se dresse contre les rebelles de l’Armée syrienne Libre, l’ASL (1er groupe rebelle syrien constitué à l’été 2011) qui les accuse d’avoir volé leur

révolution. L’EIIL parvient à s’imposer dans de nombreuses villes syriennes et notamment à Rakka, au nord de la Syrie.  Là, l’EIIL subit les bombardements du régime d’Al Assad, puis tente d’assiéger une base militaire près de Damas, dernier bastion du régime al Assad dans les environs. Les djihadistes déclarent que leurs ennemis “sont des infidèles, des ennemis de la religion, des ennemis de Dieu. Dieu soit loué, on leur tire dessus. On demande à Dieu de vaincre”. L’EIIL  lance une offensive contre cette base. 50 soldats du régime sont tués. Leurs corps sont exhibés dans les rues de Rakka, et leurs têtes montées sur des poteaux. Le message est clair : l’EIIL contrôle fermement la ville.

En Irak, en 2013, le gouvernement chi’ite irakien de Nouri al-Maliki poursuit la marginalisation des populations sunnites. Celles-ci se soulèvent. C’est l’occasion pour l’EIIL de revenir en force en Irak. 

En 2014, les djihadistes assiègent des prisons, puis les villes de Ramadi et Fallouja, au sud de Baghdad. En juin, c’est le tour de Mossoul, puis de Tikrit. Des banques sont pillées, d’importants stocks d’armes fournies à l’armée irakienne par les États-Unis sont saisis. Un corridor djihadiste est créé entre l’Irak et la Syrie.

Le risque d’implosion de l’Irak et de la Syrie sur des bases communautaires religieuses se renforce. L’EIIL s’appuie sur des ressentiments des populations sunnites ayant souffert des pouvoirs chi’ites dans les deux pays (Syrie et Irak), Des tribus sunnites soutiennent l’EIIL; les chi’ites mettent en place la résistance. 

Les forces de l'EIIL sont évaluées en 2014 par un journaliste du journal Le Monde à environ 10 000 hommes en Irak et 7 000 à 8 000 en Syrie.

En juin 2014 le mouvement se baptise “État islamique” et proclame l’instauration d’un califat, titre  disparu avec la fin de l’empire ottoman en 1923. Le califat s’établit sur les territoires qu’il contrôle, d’Alep en Syrie à Diyala à l’extrême est de l’Irak. Des combattants du monde entier viennent rejoindre l’EI. Leur nombre croît. Ils veulent tous participer à l’établissement du califat, dont leur chef, Abu Bakr al-Baghdadi appelle tous les musulmans dans le monde à lui obéir. “J’affirme, dit al Baghdadi à l’Amérique, que le califat islamique a été établi et qu’on ne s’arrêtera pas. Envoyez-nous vos soldats qu’on a humiliés en Irak. Si Dieu le veut on lèvera le drapeau de l’EI sur la Maison-Blanche.”

À la Mosquée de Bagdad, il lance : “Allah garantit le succès de ses croyants et combat avec eux les ennemis d’Allah. Levez-vous pour le djihad et servez sa cause”.

Les djihadistes affirment que leur “leader Abu Bakr al Baghdadi est un descendant d’Hussein et de la tribu du prophète”. Ce qui laisse à penser qu’Al Baghdadi vise l’autorité sur les chi’ites comme sur les sunnites. Il déclare d’ailleurs “aimer la famille du prophète”. Puis il réclame de l’argent, et ordonne aux croyants de sacrifier leur vie et de “porter  allégeance au prince des croyants et au calife des musulmans Abu Bakr al-Baghdadi.

Dans ce chaos, les Kurdes qui composent entre 15 et 20% de la population irakienne, espèrent tirer leur épingle du jeu. 

Mais les Peshmergas Kurdes sont divisés : L’Union patriotique du Kurdistan (UPK), de la famille Tabani, joue le jeu de l’Iran; le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), de la famille Barzani, joue le jeu de la Turquie. Un 3e groupe est né d’une scission avec l’UPK.

Les Kurdes disposent d’un territoire autonome , le Kurdistan irakien. Mais l’affaiblissement du pouvoir central pourrait accélérer leur sécession. En Syrie aussi, la minorité kurde opposée au régime autant qu’aux djihadistes est tentée de prendre le large. Ce dernier paramètre ferait exploser les frontières coloniales vieilles de plus de 100 ans, un héritage signé au lendemain de la première guerre mondiale. Tandis qu’Israël actuel constituait une zone internationale, la Syrie était sous protectorat français, l’Irak sous protectorat britannique, et plus particulièrement l’est et le sud-sud est de l’Irak sous contrôle direct britannique.

Quant à la Coalition nationale syrienne (CNS), principal groupement politique de l'opposition, elle continue de s’opposer aussi à l’EI.

Les appuis de l‘EI

L’Arabie saoudite s’est engagée, depuis l’été 2014, dans la lutte contre l’État islamique. Elle a versé 600 millions de $ à l’ONU, dont 500 pour les réfugiés et 100 pour le combat contre le terrorisme. Ryad punit maintenant sévèrement le financement du terrorisme.

L’EI reçoit encore (en août 2014) de l’argent des pays du Golfe. Il y a probablement des versements particuliers saoudiens, koweitiens et surtout qataris. 

Mais désormais l’EI accède à l’autonomie financière, grâce aux 2 milliards $ récupérés, aux centaines de millions dans la banque centrale de Mossoul, et au prélèvement des impôts dans les zones qu’il occupe désormais. Il exporterait du pétrole vers la Turquie, 4 fois moins cher que le prix officiel.

N’est-il pas l’heure pour les chefs d’État, de remiser le costume de diplomate pour se revêtir du treillis de combat ?

N'est-il pas l'heure de saisir que la ruse du diable est de faire faire au nom de son ennemi les tâches diaboliques ?

Gérard LEROY, le 2 septembre 2014