Pour Philippe Clemençot, avec mon amical souvenir

Le 20 mars prochain la Faculté de théologie pour laïcs à Paris fêtera son quarantième anniversaire.
Lorsqu'au lendemain des événements de mai 1968 les Français sont encore sous le coup d'une remise en question de leur société, de la culture, des conditions de travail, le recteur de l'Institut catholique de Paris, Mgr Haubtmann, appelle le P. François Coudreau, jeune théologien sulpicien en charge de la pastorale d'une paroisse de Boulogne-Billancourt, et lui demande de créer, dans le cadre de la Faculté de théologie, un parcours qui puisse être adapté aux laïcs.

Avec le P. Liégé, dominicain, doyen de la Faculté de théologie, F. Coudreau travaille alors à la mise en place d'une formation pour laïcs. On lui donnera le nom de Formation C, pour la différencier de la formation des séminaristes et des études du doctorat.

Au moment d'élaborer leur programme F. Coudreau et P.A. Liégé sont décidés à proposer aux laïcs des études qui ne soient pas des études aux rabais, mais bien au contraire que soient maintenues les exigences universitaires assurant l'intelligence de la foi au meilleur niveau. Ce qui entraîne une double exigence pour les candidats à l'admission en Formation C, après un entretien et la présentation d'un argumentaire... bien argumenté ! Il est en effet réclamé aux étudiants des aptitudes pour un travail de réflexion sur des documents, au confluent des sciences humaines et de la Révélation chrétienne. D'autre part, les études exigent une densité de travail en qualité et en quantité dont les candidats doivent être avertis. On ne peut envisager de devenir théologien, en vérité, sans un investissement sérieux et prolongé de travail spéculatif et de méditation contemplative. Ce que confirme trente années plus tard dans un ouvrage, mon camarade en théologie de cette époque, Roger Fauroux  : "J'ai (...) étudié la théologie sur le mode universitaire avec assiduité pendant les années où je dirigeais Saint-Gobain. J'ai gardé pour cette discipline, qui représente l'effort le plus démesuré de l'esprit humain pour dire raisonnablement l'indicible, beaucoup de considération". Et il poursuit : "Cet itinéraire savant ne me paraît pas le plus simple car il côtoie des précipices et il faut beaucoup d'intelligence, d'humilité et, disons le mot, de sainteté pour devenir maître en doctrine et rester fidèle au Christ." (1) .

La théologie doit jaillir du tissu conjonctif ecclésial dans sa richesse globale, nourri de tous les membres du peuple de Dieu. Elle doit être ouverte au monde, aux questions contemporaines, s'enrichir des apports des sciences humaines, et demeurer enracinée dans la tradition vivante de l'expérience d'une foi vécue et féconde depuis l'événement fondateur du christianisme.

Les étudiants laïcs peuvent témoigner que ces études leur ont permis de rejoindre, pour mieux les appréhender, les questions de vie concrètes posées par le monde d'aujourd'hui, qu'il s'agisse de la vie conjugale et familiale, professionnelle et sociale, nationale et internationale. Ces questions parcourent un large champ qui va de l'éthique à l'écologie, en passant par le commerce des armes, la morale sexuelle, le développement des pays pauvres, les enjeux de l'éthique médicale, le dialogue interreligieux, la justice, la paix...

Les premiers étudiants de la "Formation C" ouverte à la rentrée d'octobre 1970 ont été conduits aux diplômes académiques et canoniques, à commencer par la licence en théologie qui leur a été remise en 1978. Quelques uns ont poursuivi.

J'étais de ceux là. Ma passion pour la théologie ne s'est jamais éteinte. Allumée par ces pionniers auxquels je ne cesse de réitérer ma gratitude, elle a été nourrie de l'attrait croissant pour ce Jésus qu'on appelle Christ, et, si modestement féconde qu'elle aura éventuellement été, c'est à l'Esprit de Dieu que j'en rends grâce.

 

Gérard LEROY, le 2 janvier 2010

 

(1) Roger Fauroux, États de service, Hachette Littératures, p. 200.