Pour fr. Jean Luc Pinalie, en hommage amical

   Voilà que le PSG fomente les espoirs les plus fous ! Et ce, grâce à cette petite monarchie pétrolière et gazière du golfe Persique, le Qatar, qui s’est offert des joueurs à grand frais.

 

Celui qui préside aux destinées du club, c’est Nasser Ghanim Al-Khelaïf, dit Nassim (1). Pour la saison 2012-2013, Nasser Al-Khelaifi annonçait un budget record de 300 millions d'euros pour le PSG. C'est le budget le plus élevé jamais présenté par un club de Ligue 1 avant cette date. Le joueur vedette de cette équipe, Zlatan Ibrahimovic, est salarié à hauteur de 14 millions d’ €uros par an. Rien moins !

 

Le Qatar a choisi d'investir massivement en France et en Europe, dans le sport, mais aussi dans l'immobilier et les banlieues. La grenouille va-t-elle cesser de s’enfler ? D’où vient qu’on la regarde comme un “bœuf” économique ? 

 

La succession des crises financière et économique ayant surgi entre 2008 et 2010 en Occident aura été une aubaine pour ce petit pays. Car pendant ce temps, et à contre-courant de la grande tendance internationale, le riche émirat gazier affichait une croissance économique insolente, dopée avant tout par sa production de gaz naturel liquéfié dont Doha est devenu le premier producteur mondial l’an dernier.
 
La pays, grand comme deux départements français, riche d’une population dépassant à peine plus de deux millions de Qataris, bénéficie d’une conjoncture interne très favorable, dont le régime peut se dispenser d’acheter la paix sociale à grand renfort de pétrodollars, puisque toute contestation politique et sociale est muselée. Le processus est simple : la dynastie des Al-Thani ayant les mains libres pour

investir sa surabondance de richesses à l’étranger, — les économies occidentales en crise voient là une aubaine à saisir—, l’Emirat peut se permettre de réaliser des plus-values consistantes en profitant de la période de récession pour racheter des capitaux à des prix attractifs.   

Ces investissements auront-ils un effet durable ? On peut en douter. Les investissements tous azimuts du Qatar à l’étranger s’apparentent davantage à des achats compulsifs qu’à une réelle stratégie de long terme. On ne décèle pas là l’amorce d’une diversification économique du pays, qui demeure largement dépendant de ses hydrocarbures. Retenons que le pays est assis sur les troisièmes réserves mondiales de gaz, se classant juste derrière l’Iran et la Russie.

 

Le Qatar cherche avant tout à compenser sa grande vulnérabilité que lui causent sa faiblesse démographique, militaire, et sa situation géopolitique. Voilà un pays pris dans l’étau formé par un Iran cherchant à se doter du feu nucléaire et des Etats-Unis dont les plus importantes bases militaires à l’étranger se trouvent justement en territoire qatari. Ce minuscule émirat, ce canton coincé entre deux mastodontes, l’Arabie et l’Iran, éprouve le besoin d’exister sur le plan international en semant ses investissements tous azimuts. C’est donc pour éviter d’être l’otage de tensions régionales, que le Qatar a choisi le biais de la finance et du sport pour cultiver son rayonnement international.  

La volonté d’implication du pays dans le financement des banlieues s’inscrit-elle dans cette dynamique ?

 

Les projets de jeunes entrepreneurs issus des banlieues sont en passe d’être aidés financièrement par de nouveaux soutiens venus d’ailleurs. Ce qui ne manque pas de susciter des passions. Car il ne s’agit pas d’investissements anodins. Si jadis chacun pouvait espérer une aide de la commune, voire tout au plus du Conseil général, les mêmes ont recours aujourd’hui aux aides étrangères, lesquelles trouvent là un tremplin pour augmenter leur zone d’influence, tisser des relations avec de nouveaux partenaires économiques. C’est tout à fait symptomatique du phénomène de mondialisation. Du coup, le souverain Etat-Nation s’estompe.  

C’est ainsi qu’on a vu une association d’élus, qu’on appelle du bout des lèvres “issus de la diversité”, venir frapper à la porte du Qatar, lequel a dû sauter sur l’occasion pour accroître sa visibilité internationale –ce qui constitue une véritable obsession pour les dirigeants de ce minuscule émirat qui cherche en permanence à soigner son image de marque.

Ces éventualités d’investissement suscitent beaucoup de controverses car elles se disposent a contrario de cette fonction régalienne de l’Etat sur la politique d’intégration socio-économique des banlieues. Cependant les autorités françaises ne les rejettent pas d‘un revers de main. Elles cherchent plutôt comment une participation de l’Etat pourrait étendre la stratégie de financement à d’autres secteurs défavorisés. Il y a là une manière d’écarter les soupçons de communautarisme que les détracteurs ne manqueront pas de dénoncer si les secteurs retenus sont majoritairement peuplés d’immigrés arabo-musulmans. À suivre...

 

Gérard LEROY, le 29 novembre 2013

  1. ancien joueur de tennis qatari, devenu dirigeant et homme d'affaires. Nassim est, en outre, directeur général de la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera Sport.