Nous vivons aujourd’hui à l’intérieur d’espaces qui, jadis, se caractérisaient par une homogénéité culturelle, religieuse, morale. Aujourd’hui, où que nous allions, nous croisons des gens qui ne nous ressemblent pas, que ce soit à Perpignan, à Mulhouse, ou à la Gare du Nord, qui ne parlent pas la même langue, qui n’observent pas les mêmes rites, les mêmes rythmes, qui ne partagent pas les mêmes symboles, les mêmes réflexes culturels. 

Notre monde est divers. Nous le savions. Nous ne l’expérimentions pas. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère qu’Edgar Morin appelle la civilisation planétaire.

Ce monde est pluriel. La diversité des cultures, des langues, des nations, des religions, n'a certes pas gommé les frontières, les États, les limites de souveraineté. Mais le rayonnement de foyers culturels (qui ne sont pas définis par des souverainetés d’États-Nations), influents, généreux, interactifs, semble estomper quelque peu les frontières, au point de corriger notre représentation géopolitique du monde. Nous sommes appelés à découvrir le sens d’une culture dans une autre. Nous ne pouvons plus projeter l’état de l’humanité en faisant l’impasse sur sa condition plurielle.

La pluralité est un des aspects majeurs de l’Europe moderne, nourrie de sédiments culturels celtes, slaves, germaniques, qui bénéficie de l’héritage hellénistique, de la chrétienté médiévale, des acquis irréversibles de la rationalité critique, du judéo-christianisme, et plus récemment de la spiritualité musulmane.

Désormais nous ne parlons pas de la migration, de la rencontre, de l’intégration, de l’universel, comme d'une évidence. Cette situation nouvelle a suscité la réflexion en vue d’un consensus éthique qui sous-tend la paix globale à la condition de la paix interreligieuse. Nous rejoignons Hans Küng qui prenait pour principe de son éthos planétaire que la paix globale ne peut s’envisager sans paix interreligieuse, laquelle s'appuie sur le nécessaire dialogue entre elles (1) .

Mais le dialogue ne va pas de soi. S'il n'est pas à envisager comme un lieu de tensions, d'influences, il doit s'effectuer au cœur de la rencontre interactive placée sous le signe de l’interpellation réciproque. Le dialogue interreligieux, à cause de ces exigences, a ses règles. Sans le respect de ces règles, on risque de se perdre dans d'aimables et insignifiantes causeries, factices du dialogue.

Gérard LEROY, le 26 septembre 2009

  1. cf. G. Leroy, Le salut au-delà des frontières, Préface Claude Geffré, Salvator 2002
  2. Hans Küng, Projet d’éthique planétaire, Le Seuil, 1991