Pour le P. Fabien, en hommage amical

 Face à la diversité des traditions religieuses une question se pose : a-t-on affaire à un pluralisme de droit, voulu par Dieu, ou à un fait contingent de l’histoire ? L’option théologique qui s’engage dans l’hypothèse herméneutique d’un pluralisme de droit est audacieuse.

 

D'autant que les Écritures ne nous aident guère à répondre à cette question. Cependant le seul récit de la Tour de Babel est significatif, en ce qu'il conclut par la bénédiction par Dieu de la multiplicité des peuples et des cultures, et atteste par là de la condition originaire de l'homme (Gn 12).

 

Si les religions des païens conduisent souvent à l'idolâtrie, comme l'a montré Paul aux Romains (Rm 1, 18-32), la diversité religieuse donne à Paul l'occasion de souligner la volonté salvifique universelle de Dieu : "Dieu veut le salut pour tous les hommes" (1 Tim 2, 4).

 

Dans son discours aux païens, Pierre déclare : "Dieu n'est pas partiel et en toute nation quiconque le craint et pratique la justice trouve accueil auprès de lui" (Ac 10, 34-35).  Le pluralisme religieux s'inscrit donc dans l'histoire, même si sa signification ultime nous échappe.

 

Quand les Pères de l'Église, ignorant les religions orientales, même si Origène évoque la présence du brahmanisme à Alexandrie, portent un jugement  positif sur ce qu'ils appellent la "sagesse des nations", c'est l'héritage de la philosophie grecque qu'ils désignent, reconnaissant dans la sagesse des philosophes des semina verbi.

 

Cette doctrine des semences du verbe n'est-elle pas d'une permanente actualité pour fonder la valeur "positive" des religions non chrétiennes, sans remettre en cause la normativité de la révélation chrétienne. Telle fut l'orientation de la théologie du XXe siècle. Vatican II a inauguré une ère nouvelle en théologie dans la mesure où, à l'encontre d'un ecclésiocentrisme étroit, il a porté un jugement positif sur les religions non chrétiennes en les reconnaissant porteuses de valeurs salutaires : la pluralité religieuse peut être "l'expression du génie et des richesses spirituelles dispensées par Dieu aux nations" (Ad gentes n° 11).

 

L'Esprit Saint offre aux hommes la possibilité de participer au mystère pascal du Christ, "d'une façon que Dieu seul connaît" (Gaudium et Spes n° 22).

 

"L'Église considère avec respect ces manières d'agir et de vivre (...) quoiqu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, apportent cependant souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes" (Nostra ætate n° 2)

 

 

G. LEROY