Pour Yves et Marie-Lou Giorello, en témoignage de mon amicale gratitude

   Gens du Livre avec les juifs, les chrétiens sont associés dans la condamnation des infidèles. Les misères qu’ils endurent sont le signe irréfutable de leur disgrâce auprès de Dieu dont ils ont oublié les bienfaits. Ils ont aussi ignoré la venue de Mahomet pourtant annoncé dans la Torah et l’Évangile. Enfin ils ont falsifié les Écritures.

Le Coran distingue cependant la “communauté droite”  qui croit en Dieu et prie (3, 106-111), des “Pervers”.

Les chrétiens, à vrai dire, sont mieux considérés que les juifs, surtout à propos de la virginité de Marie que les juifs contestent et que le Coran maintient (cf. 3, 33-42; 4, 155). Les chrétiens se voient reprocher d'avoir oublié une partie de ce par quoi ils ont été édifiés, cela suffit pour ne retenir que la Révélation faite à Mahomet, la seule complète, véridique et non falsifiée. Les écritures auxquelles se réfèrent les chrétiens étant altérées sont devenues suspectes.

D’autre part les chrétiens sont condamnables pour avoir inventé le monachisme que le Coran ne leur a nullement prescrit —rappelons au passage que le monachisme est né près de deux siècles avant l'arrivée du Prophète Mahomet— et pour avoir pris comme seigneurs en dehors de Dieu “les docteurs et les moines” (cf. Coran 9, 31ss). Il semble à l’islamologue Marie-Thérèse Urvoy (1), —et l’observation est pertinente—, que le Coran considère les chrétiens comme une secte juive schismatique.

La sympathie pour les chrétiens se manifeste lors de l’émigration des premiers musulmans en Abyssinie qui, à son apogée, comprenait l’ouest de l’Arabie saoudite d’où avaient fui les premiers croyants pour échapper à la persécution des Qoraïchites Mecquois. Le Livre souhaite la victoire des Byzantins (30, 2-3). En 5, 82 on lit que les gens qui sont les plus proches des croyants (musulmans) sont ceux qui annoncent : “Nous sommes chrétiens”, car, explique ce verset, leurs prêtres et leurs moines ne s’enflent pas d’orgueil. Mais les chrétiens, refusant de croire le Livre, refusant de croire en Mahomet, et campant sur leur conviction exclusiviste du salut, rendront inévitable le conflit.

À tout cela s’ajoutent les griefs d’ordre dogmatique, sur la Trinité, sur l’Incarnation : “Ne dites point “Trois !”, Allah est une divinité unique. À Lui ne plaise d’avoir un enfant !” (4, 171). Parce qu’ils prennent le Messie pour Dieu les chrétiens sont déclarés “infidèles”. Et quant à l’appellation de “Fils de Dieu” cela mérite que Dieu les combatte à mort.

Les moines des chrétiens seront châtiés pour les avoir exploités (Coran 9, 29-35). Ce verset est considéré comme abrogeant le “verset de l’amitié” soulignant que les moines ne s’enflent pas d’orgueil. À rapporter à Coran 2, 140.

Le Coran établit un ensemble de sanctions à l’encontre des “infidèles”, comme l’instauration d’une loi divine, d’un impôt  spécial —la jizya— que doivent payer les non musulmans, les dhimmi, minorité de juifs et de chrétiens en milieu musulman.

La loi des chrétiens révélée dans l’Évangile a été abrogée par le Coran. Pour être sauvé il faut croire au Coran. L’Évangile, que le Coran reconnaît comme révélation authentique, a été falsifié, selon le Coran. Sur le plan juridique les chrétiens sont protégés des rigueurs de la loi islamique. Ainsi peuvent-ils garder leurs biens, leur statut, leur culte, mais ne peuvent toutefois pas exercer des fonctions d’autorité. Ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Encore aujourd’hui les chrétiens d’Égypte ne peuvent enseigner la langue arabe dans les établissement d’État. En Syrie les chrétiens font leur service militaire. En République islamique du Soudan, le droit étant le même pour tous, les peines légales musulmanes, telle la sanction qui s’accorde à la consommation de vin, sont appliquées aux chrétiens.

 

Gérard LEROY, le 8 décembre 2012
 
 

  1. Marie-Thérèse Urvoy est professeur d'histoire médiévale de l’islam et d’arabe classique à l’Institut catholique de Toulouse : elle est membre de l'Editorial Board de la revue Islamochristiana de l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI).