“Un saint manqué” (Jacques Maritain), “Un génie du christianisme” (Yves Congar), “Un des pères spirituels de l’Europe” (Chancelier Helmut Kohl).

   Martin Luther naît en 1483, à Eisleben, dans le land Saxe-Anhalt, d’une famille de mineurs. Il est écolier successivement à Mansfeld, à Magdebourg et à Eisenach où naîtra plus tard Jean-Sébastien Bach, en 1685, et où séjourneront Gœthe et Wagner.

C’est à Erfurt que Luther poursuit ses études supérieures. Il accède au grade de Maître ès arts en 1505. C’est alors qu’il entre en noviciat, au couvent des Augustins, devient moine, puis est ordonné prêtre deux ans plus tard, en 1507, et enseigne la philosophie au couvent d’Erfurt.

Il étudie la Vulgate, Guillaume d’Ockham qui aura sur Luther une grande influence, Gerson, et bien évidemment Augustin d’Hippone. Luther s’initie dans le même temps aux Sentences des Lombards. Mais c’est surtout à l’éthique d’Aristote que Luther s’intéresse, quand il entre au château de Wittenberg, où il commence à enseigner.   

À Rome, la basilique Saint-Pierre a été brûlée, tandis que Luther est sous-prieur des Augustins. En 1512, il obtient son doctorat en théologie et prend en charge, dès 1513, l’enseignement biblique à l’Université de Wittemberg. Sa théologie s’appuie fondamentalement sur l’Ecriture et “l’Ecriture seule” (Scriptura sola). 

On a retrouvé les cahiers de cours de Luther, qu’il donna entre 1513 et 1515 sur les Psaumes, un commentaire de l’épître aux Romains qui selon lui exprime la justice de Dieu et la justification par la foi sans les œuvres. On dispose aussi des cours que Martin Luther donna sur les Galates et sur les Hébreux entre 1516 et 1517.

C’est alors que le pape Léon X charge le dominicain allemand Johannes Tetzel de collecter des fonds en faveur de la reconstruction de la basilique Saint-Pierre. Contre une distribution d’indulgences ! Cette collecte entraîne un véritable trafic qui indigne Luther, lequel réagit par ses 95 thèses, en latin, que le peuple, qui ne lit que l’allemand, ne peut lire. Traduites et imprimées ces thèses sont affichées à la porte de l’église du château de Wittemberg, le 31 octobre 1517, sous l’intitulé : “La vertu des indulgences”.

Le conflit avec la papauté éclate. Luther est convoqué à Rome. Il refuse de s’y rendre. En 1518, Luther comparaît à Augsbourg. Il acquiert la sympathie des humanistes qui partagent avec lui son appréciation du libre-arbitre. Parmi eux, Philippe Melanchton, qui devient son collaborateur. De retour d’Augsbourg, Luther refuse non seulement le concept de purgatoire, mais conteste aussi l’autorité du Pape et proclame, en 1519, le primat de la Parole de Dieu.

En 1520 Luther publie trois ouvrages importants. Il s’adresse À la noblesse chrétienne contre les principes romains du sacerdoce et contre la primauté du magistère en matière scripturaire. Dans le second, De la captivité de Babylone de l’Eglise, il critique le mésusage des sacrements dont il ne retient que le Baptême et la Cène, le sacrement de Pénitence restant en discussion. Enfin, pour parler De la liberté chrétienne il s’appuie sur la première épître de Paul aux Corinthiens (1Co 9,19) et déclare : “Le chrétien est un libre seigneur, n’est soumis à personne et à tout le monde”. L’Empereur germanique Charles Quint, élu à la tête du Saint Empire en 1519, s’irrite contre le réformateur.

Une Bulle pontificale condamne 41 propositions de Luther. Luther la brûle en public. Dès 1521 le processus d’excommunication est lancé. En avril 1521 Charles Quint convoque Luther devant la diète de Worms, en Rhénanie. Luther y affirme l’autorité de l’Ecriture et refuse de se repentir. Il est mis au ban de l’Empire. Luther se cache alors au château de la Wartburg, en Thuringe (alors Grand Duché de Saxe-Weimar-Eisenach), à la faveur du prince Frédéric III le Sage, duc de Saxe. C’est là, entre mai 1521 et mars 1522, que Luther traduit le Nouveau Testament en allemand. Sa traduction complète de la Bible en allemand paraîtra en 1534. En 1525, Martin Luther dépose son froc de moine, sans quitter son couvent, sans cesser d’enseigner, ni de prêcher. Il se marie avec Katharina von Bora.

En 1527, Zwingli et Luther poursuivent leurs discussions théologiques sur l’Eucharistie. Luther maintient la thèse de la présence réelle du corps et du sang du Christ dans le sacrement, en prenant ses distances avec la théologie de la transubstantation.

En 1529, après avoir rédigé la Messe allemande il publie ses catéchismes. La même année, la diète décide d’interdire l’établissement d’Eglise d’Etat là où il n’y en avait pas encore. La minorité évangélique élève une solennelle protestation (d’où le nom de “protestant”?). Au cours de cette même année 1529 un colloque rassemble les protestants qui tentent de se réunir autour d’une même approche de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin de l’Eucharistie. S’y retrouvent Melanchton, Zwingli, Brenz, Bucer. Quatorze articles font l’unanimité. Pas le quinzième. Luther est opposé aux “hérétiques”, qui voudraient faire l’impasse sur le décalogue, voire ignorer la Bible, et aux sacramentaires Zwingli et Calvin qui contestent précisément la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie.

En 1530, Charles Quint tente une réunion d’entente sur les questions religieuses. L’unanimité ne se fait pas autour de la célèbre Confession d’Augsbourg rédigée et lue par Melanchton. Un décret impérial rétablit l’autorité épiscopale. À Marburg, la première université protestante, est créée.

En 1546, le 18 février, Martin Luther meurt à Eisleben, sa ville natale. La première session du Concile de Trente vient de se terminer ; le protestantisme subit alors une crise entraînée par la diversité de ses courants.

 

Gérard LEROY, le 22 février 2017