Pour Philippe Weickmann, en signe de reconnaissance amicale à l'occasion de ce quatre centième article

   Tandis qu’au Cameroun, avec une violence aveugle, Boko Haram répand la terreur, tandis qu’au Nigeria quinze mille personnes fuient vers le nord-est après l’attaque meurtrière menée par les islamistes dans l'Etat de Borno, et contre une église chrétienne à Kano, qui a fait cinq victimes, les voyous islamistes égrènent leurs chapelets de cartouches pour troubler les festivités de la fin du ramadan.

Un dimanche de ce mois de juillet, à la fin de la messe, une bombe télécommandée détruit l'église Saint-Charles du quartier chrétien de Sabongari, près de la frontière du Niger. Cinq morts. La police déjoue, ce jour là, un attentat à la voiture piégée visant, cette fois, une mosquée et le domicile d'un des dignitaires musulmans de Kano. 

Les islamistes ont multiplié les attaques contre des villages de l'État de Borno, dans le nord-est du Nigeria. Le mercredi suivant, douze personnes, dont le chef du village, ont été froidement abattues à Garubula, dans le district de Biu. Ces vauriens incendient des maisons et massacrent les civils qui se rendent. 

En Irak et en Syrie se déploient les mêmes ignobles attitudes. Les islamistes ne sont pas forts, ni très instruits d’un islam qu’ils n’ont d’ailleurs pas étudié, mais ils sont puissants. Leur mouvement qui s’est d’abord intitulé État Islamique en Irak et au Levant avant de devenir État Islamique, reçoit le soutien financier de riches donateurs originaires des pays du Golfe. Cette manne s’ajoute aux collectes caritatives dont il détourne les fonds. Il contrôle des puits de pétrole en Syrie, organise des trafics d'armes et de carburant, lève des impôts dans les zones qu’il contrôle, vole, pille, kidnappe, extorque de l’argent. L'EI a pu ainsi récolter 8 millions de dollars en un mois, en plus du million de dollars quotidien que lui procure la contrebande de pétrole. Faites le compte.

Début juin, l'État islamique publie une sorte de règlement intérieur pour Mossoul, qu’il vient de prendre. Parmi les 16 articles de ce que les islamistes appellent une charte, l’article 5 prévoit la palette des sanctions pour tout contrevenant, l'exécution, la crucifixion, l'amputation, l'exil. L’article 13 présente le projet de destruction des statues édifiées avant l'avènement de l'islam. L’article suivant impose aux femmes de sortir revêtues d'un niqab et d’être accompagnées d'un membre de leur famille. Comme au VIIe siècle, le dhimmi chrétien a un statut, lequel lui impose de verser un impôt spécial de 250 dollars par mois, à moins qu’il n’accepte de se convertir à l’islam. À la différence des chi’ites massacrés quotidiennement sans préavis, comme en témoignent des photos insoutenables de fosses communes creusées par les tueurs du nouveau califat, les chrétiens, eux, disposent d’un délai de réflexion de quelques heures pour se convertir. 

Plusieurs maisons de Mossoul sont taguées de la lettre N ( ن en arabe) pour "Nassarah", qui désigne les "Nazaréens" refusant encore d’abjurer leur foi. La sanction des sicaires est terrible. Deux jeunes gens ont été crucifiés à Maaloula parce qu'ils n'ont pas voulu dire la chahada, la confession de foi. Une religieuse syrienne a rapporté que dans la banlieue de Damas, un jeune homme a été crucifié devant son papa. Puis on a tué le papa. Vingt cinq mille chrétiens de Mossoul fuient aujourd’hui une ville où leurs ancêtres ont vécu depuis l'aube du christianisme. Saint Thomas lui-même serait passé par là.

On trouve toujours pire dans l’effroi, dans cette région qui n'en est pas avare. Avec Antioche et Damas, Mossoul, banlieue de l’ancienne Ninive, qui avait été capitale de l’Empire assyrien au VIIIe siècle av. J.-C., abritait une des plus importantes communautés chrétiennes de l'époque, présente bien avant l’invasion arabe. C’est cette longue histoire de la présence chrétienne en Irak qui se clôt dans la terreur. À la purification ethnique succède la purification religieuse.

Nous sommes les contemporains de ce sinistre événement : pour la première fois depuis 1.800 ans, il n’y a plus de chrétiens à Mossoul. Après avoir traversé 18 siècles d’une histoire mouvementée, les voilà chassés de leur ville. Tout cela transpire l’épuration ethnico-religieuse.

Mais il est vrai qu’il y a le tour de France ! 

 

Gérard LEROY, le 30 juillet 2014