Si dans l’éthymologie persane le mot “paradis” signifie “parc”, ce n’est pas, dans la Bible, de n’importe quel parc ou jardin qu’il s’agit, mais  celui où Dieu a placé le premier homme (cf Gn 2, 7). Le jardin est agrémenté d’arbres. L’arbre est symbole de la puissance, de la grandeur d’un homme, d’un peuple, d’une ville, ou même du Royaume de Dieu. Ces arbres sont voués à l’abattage s’ils ne respectent pas la loi de Dieu.

Dans l’oasis paradisiaque de la Bible, les fruits de l’arbre de vie procurent à l’homme une nourriture abondante : la Vie elle-même. Mais, privé de cette nourriture par le péché, l’homme est appelé à retrouver un jour (cf Ap 22, 2) des arbres de vie qui fructifient douze fois l’an et dont les feuilles guérissent les païens. Ces arbres pousseront sur la place de la Cité céleste. Là, plus aucun mal, plus aucune corruption, plus aucun péché ne pénètrent.

Dans la tradition juive l’arbre de Vie, c’est la Torah.

L’Eden

Dieu planta un Jardin en Éden”, à l’orient (Gn 2, 8). C’est de là qu’Adam et Eve furent chassés après leur désobéissance (Gn 3, 24). On tire de ce mot l’adjectif édénique pour désigner un bonheur sans nuages. Le paradis est appelé Jardin d’Eden et comporte quatre fleuves, dont le Tigre et l’Euphrate (Gn 2, 10). La localisation du Jardin d’Eden varie selon les traditions. Après que le premier couple en ait été chassé, le Jardin est gardé par des chérubins.

 

L’Eden dans la littérature

Dans le Nouveau Testament le paradis est cité trois fois. Jésus sur la croix annonce au larron voisin qu’il sera “aujourd’hui” dans le paradis avec lui (Lc 23, 43). Paul l’évoque dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, au verset 4 du chapitre 12,  enfin l’Apocalypse promet “à celui qui écoute ce que l'Esprit dit aux Églises” de lui faire “manger de l’arbre de vie placé dans le paradis de Dieu.” (Ap 2, 7)

Au Moyen Âge, les jardins d’amour sont des lieux clos où les cinq sens sont comblés. Dante place au ciel le paradis dans la Divine comédie. Neuf sphères tournent sur des orbites de plus en plus larges et de plus en plus vite autour de la terre immobile (la vision est ptoléméenne). Au-dessus des sphères resplendit Dieu.

Au XVIe s. le paradis c’est la Jérusalem céleste, (ce sera aux temps modernes l’approche de Claudel). Puis Bossuet développe la comparaison entre Babylone et un cèdre du Liban dans son Sermon sur l’ambition. Tandis que plus tard Rousseau emet l'idée qu’on peut restaurer le Jardin d’Eden au sein d’une bonne nature.

Au temps des corsaires et des explorateurs on a pensé possible de retrouver l’Eden perdu, au loin, dans quelque contrée exotique où l’homme ignore le péché. (cf. Bernardin de St Pierre, Paul et Virginie)

Dans La légende des siècles, Victor Hugo recrée un paradis d’innocence et de fraternité imprégné de panthéisme. Pour preuve, lisons ce qu’il écrit  dans Le sacre de la femme : “L’Être resplendissait. Un dans Tout. Tout dans Un. (...) La nature riait, naïve et colossale.

Charles Péguy, lui, a évoqué le premier jardin dans Eve, tandis que Paul Valéry associe l’arbre de la connaissance et l’arbre de la tentation qui ne produit que des fruits morts (Charmes, ébauche d’un serpent).

 

L’Eden dans l’iconographie

L’Eden est traité maintes fois. Par Jérôme Bosch, entre autres, dans le Jardin des délices, (Musée du Prado); par Poussin, dans son Paradis terrestre (Musée du Louvre); ou encore dans les représentations suggestives qu’on peut admirer à Florence (à Santa Croce).

Le christianisme oppose l’arbre de la croix —qui redonne la vraie vie à l’homme (ou qui le sauve de la mort)— à l’arbre du fruit défendu. L’amour divin est sève de vigueur (il arrive qu'on observe des croix feuillues dans l’iconographie chrétienne).

L’image traditionnelle vient de la description du Cantique des Cantiques : les poèmes évoquent les cinq sens comblés de bonheur. Ils ont inspiré les lieux d’amour des romans courtois au Moyen Âge.

 

L’Eden en musique

Les negro spirituals sont incontournables, notamment ceux qui sont composés sur le thème du chemin menant au paradis : Swing low, sweet chariot; This train; On my way, get on my travelin’shoes.

 

Temporalité de l’Eden

Si l’on désigne par le mot paradis les conditions d’existence des premiers hommes (monogénisme), avant le péché, telles qu’elles sont décrites sous forme de représentatons populaires dans l’Ancien Testament (Gn 2 et 3), le commencement (comme principe et source), pur et sans péché, doit contenir ce qui est à venir dans sa plénitude. Le commencement est en même temps celui d’une histoire. Il est germe et promesse.

Il y a donc une dialectique inéluctable de toute affirmation étiologique sur le commencement : des vues très élevées sur l’état de grâce originel du premier homme n’excluent pas le point de vue culturel et économique très primitif. Autrement dit la paix pure et simple avec Dieu, dans la grâce de Dieu, n’est pas à percevoir dans la durée.

 

Gérard LEROY, le 31 janvier 2009