Pour Sophie Guerlin, en signe d'affectueuse amitié

   Prenons pour exemple la guérison d’une femme qui souffre d’hémorragies, que Marc nous relate dans son Évangile (Mc 5, 24-34).

Jésus vient de rencontrer Jaïros, l’un des chefs de la synagogue. Celui-ci supplie Jésus de sauver sa fille mourante. Une foule presse Jésus. Au cœur de cette foule une femme réussit à se faufiler pour parvenir à hauteur de Jésus et lui toucher ses vêtements. Aussitôt elle recouvre la santé. 

Marc nous décrit la scène comme si Jésus n’avait eu aucune incidence sur cette guérison soudaine. En effet, Jésus s’apercevant qu’une force émane de lui,  interroge : “Qui a touché mes vêtements ?”. 

La question est jugée quelque peu absurde par les disciples de Jésus puisque autour de lui tout le monde se bouscule et cherche à le toucher. En effet, comment la guérison a-t-elle pu se produire indépendamment de la volonté de Jésus, presque malgré sa volonté, sans qu’il sache même qui en a été bénéficiaire ? Tout semble dépendre de cette femme, de son seul désir à rejoindre, sans doute coûte que coûte, le Seigneur, et lui toucher son vêtement. 

La femme avoue alors à Jésus qu’elle a forcé l’épaisseur de la foule pour venir à ses pieds. Jésus n’a

qu’un mot : “Ta foi t’a sauvée.”

Il s’en va dire pareillement à Jaïros, lequel est averti par des gens de sa maison que sa fille est morte : “Sois sans crainte, crois seulement”.

La puissance divine paraît ici toute relative dans les deux guérisons. C’est de la foi qu’elles dépendent.

L’Évangile de Matthieu relate autrement ce miracle, déplaçant le moment de la guérison après les paroles que Jésus adresse à la femme, en précisant : “et la femme fut sauvée à partir de cette heure-là” (Mt 9, 22). Ce qui ne signifie pas que Marc ait voulu minimiser la puissance de Jésus, car pour la fille de Jaïros toute la guérison est liée directement à l’acte et aux ordres de Jésus : “Fillette, je te le dis, réveille-toi”. 

Il importe de suivre l’intention de Marc de rassembler ces deux récits, et de déceler le rapport inverse de la foi et de la puissance divine. Car il n’est pas un des deux récits qui fasse abstraction d’un des deux facteurs de la guérison. Il faut plutôt insister sur la complémentarité de la foi et du don de Dieu, sur la puissance de la foi quand Dieu se retire. “Tout est possible à celui qui croit”, dit Marc (Mc 9, 23).

 

Gérard LEROY, le 8 août 2014