La conscience, mère du sens ?

Pour Henri-Luc et Paule, en hommage amical

   Les choses de la nature ont ceci de différent avec nous, c’est qu’elles existent sans savoir qu’elles existent. C’est du moins ce que l’on est porté à penser.

Conscient de son existence l’homme est capable de projet. Mais si l’on sait qu’un nourrisson deviendra adulte, on ignore ce qui le déterminera, s’il sera pianiste, couturière, ou cheminot. Le mode d’être n’est pas figé. L’être a la capacité de se dépasser sans cesse. Nous sommes par delà ce que nous sommes. Nous avons à être, l’humain a à être, comme “projet au-devant de soi”, dans un champ infini de possibles. Rêvons. Projetons. Sinon, recroquevillés dans une volonté voulue plutôt qu’animés par une volonté voulante, les circonstances choisiront pour nous. 

Regardons-nous agir. Pensons notre pensée. Entre notre existence et nous, il y a toujours la distance de notre délibération.

Le propre de l’existence consciente est de se réfléchir, d’atteindre à la conscience de soi. “Je ne suis que pour autant que j’ai savoir de moi.” (Hegel). La conscience de soi apparaît lorsqu’elle se prend elle-même pour objet, plus exactement lorsque j’ai conscience que je suis une conscience. Le soi devient un objet pour la conscience.

D’autre part, nous sommes habités de sentiments, de désirs, de passions, que nous ne choisissons pas. Nos sentiments nous influencent et nous portent, écartant notre moi. La découverte de la vie affective est un moment important de sa propre vie : nous sommes au spectacle de nous-mêmes. En voyant la façon dont je puis être affecté par des sentiments, je prends par là même conscience que je ne suis pas complètement affecté, puisque je résiste à me confondre avec mes sentiments. Je prends alors conscience de la distinction entre mes sentiments et moi, moi qui me dédouble ainsi, sous l’impulsion de ce que poétiquement Michel Legrand appelle “Les moulins de mon cœur”. 

Je ne suis pas seulement mon corps. Je suis un quelque chose qui pense, je suis une faculté de représentation, une conscience qui prend conscience d’elle en tant qu’elle est une conscience. Nous pensons, nous sommes une activité spirituelle. Notre nature, ou notre essence, nous distingue radicalement des «choses de la nature». Savoir que nous sommes capables de pensée, ou de conscience, c’est savoir que nous devons déterminer nous-mêmes notre existence car nous sommes libres, responsables. Non seulement nous avons à décider et à devenir ce que nous voulons être, mais en plus nous serons d’autant plus nous-mêmes, des êtres humains, que nous aurons pris conscience que nous l’étions.

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