Pour Ombline de Woillement, en hommage amical

   S’interroger sur l’avenir du catholicisme en France, c’est s’apprêter à adapter la tâche pastorale à l’histoire. L’essentiel a trop souvent été négligé. Sans doute à cause de la difficulté qu’éprouvent les catholiques à témoigner de l’invraisemblable auquel ils croient. Depuis les années 70, les catholiques ont été préoccupés par des questions qui les sollicitaient. Celle des critiques humanistes athées a été providentielle en ce qu’elle a conduit à prendre Dieu infiniment plus au sérieux et à faire une certaine expérience de Dieu comme peut-être les croyants ne l’avaient jamais faite auparavant; celles que posait l’herméneutique du dialogue interreligieux; celles que soulèvent aujourd’hui les neurosciences ou la bioéthique. Les catholiques, comme tous les croyants sont conduits à relever ce que leur suggère leur propre expérience. Tout croyant a nécessairement comme horizon les provocations du moment, les nouveaux défis. 

J’ajoute une autre difficulté de taille : dans ce monde sécularisé, héritier du positivisme, les chrétiens commencent à se percevoir comme marginaux, étrangers. L’Église n’intéresse

plus personne. Les Français ne sont même plus touchés par la résurgence de l’anticléricalisme qui n’émoustille que les intégristes. Le catholicisme est aujourd’hui la religion d’une minorité de Français qui, pour une part, restent convaincus que c’est en escamotant le spirituel qu’ils vont intéresser les non-croyants. C’est passer à côté de l’incroyable force du message évangélique. 

Or, on ne peut pas concevoir l’avenir de l’Église catholique en faisant l’impasse sur l’Événement qui la fonde. Les catholiques n’ont pas manqué de participer aux réflexions portant sur les questions sociales, politiques, éthiques de notre modernité. Mais il me semble que, en tant que chrétiens, ils en viennent parfois à négliger l’essentiel. Je crois, pour ma part, que l’avenir du christianisme en France tiendra à la capacité d’annoncer Jésus comme Christ, révélé au matin de Pâques. Il s’agit en effet de témoigner à ce monde sécularisé le projet divin d’un salut. Ce projet s’inscrit donc dans une perspective eschatologique. Comment témoigner de cela à un monde qui perçoit tout ce qui se rapporte à la religion comme hors sujet dans son histoire présente, comme anachronique ? La tâche pastorale des chrétiens est assurément ardue. 

Il faut prendre son parti, dans le temps où nous sommes, que les philosophies et les sciences humaines, qui sont les produits culturels dans lesquels l’homme tend à s’interpréter totalement, ne sont pas, de nature, des partenaires d’un témoignage chrétien. Aux croyants de ne pas céder au défaitisme. Aux croyants de proclamer qu’il y a dans l’homme des espaces disponibles pour l’Évangile. Aux croyants d’en décoincer l’ouverture. 

Gérard LEROY, le 12 juin 2015