Pour Dominique Lebouc, en hommage amical

Les orthodoxes et les catholiques ont fêté la Pâque le même jour en 2004. Ce sera le cas en 2010, en 2011, et en 2014. Les orthodoxes et les catholiques ne fêtent donc pas la Pâque en même temps chaque année.  Pourquoi ?

C’est un peu compliqué mais intéressant.

Dans toute l’Asie centrale, en dehors d’Israël, et depuis la fondation des Séleucides, en 312 av. J. C. c’est le soleil, non la lune, qui servait de référence au calendrier. La dynastie gréco-romaine des Séleucides fondée par un certain Séleucus Nicator qui s’était fait remarquer comme cavalier de la garde d'Alexandre le Grand, cette dynastie a régné sur toute l'Asie occidentale jusqu’en 65 av. J.-C. Leur calendrier solaire, pour se maintenir en phase avec les astres, obligeait à un rattrapage de sept mois tous les dix-neuf ans.

Le calendrier julien a été établi sous Jules César († 47 av J.-C.). Ce calendrier, à l’instar de la mesure adoptée en Israël, divisait l’année de 354 jours en douze mois de 29 ou 30 jours. Chaque début de mois était marqué par la réapparition de la nouvelle lune. La particularité de ce calendrier a été d’introduire pour la première fois les années bissextiles.

Au temps de Jésus, le rattrapage auquel oblige l’année lunaire, s’opère tous les trois ans à raison d’un mois rajouté.

 

Quelle est la situation de Pâque dans le calendrier ?

Avant la sortie d’Égypte, Pâque est une fête juive agricole (1). On célébre alors la récolte de l’orge, la veille de la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps. Alors que la moisson du blé est célébrée aux alentours de la Pentecôte (2). Ces deux fêtes sont devenues religieuses, la première commémorant la sortie d’Égypte des Hébreux, la seconde la remise de la loi au Sinaï.

En 325, le Concile de Nicée établit Pâque le premier dimanche après la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps. Au IVe siècle l’année est calculée selon un cycle annuel de 365 jours 1/4. La nouveauté d’une année bissextile apportée par le calendrier julien est appliquée, et une année de 366 jours s’intercale tous les trois ans.

Mais ces améliorations ne sont pas suffisantes à mettre en phase le calendrier et les astres. Car le cycle précis d’une année correspond au produit de 365 x 24 heures, en ajoutant 2422/10000 de 24 heures. L’année exacte est donc de 365,2422 jours. Un léger décalage subsiste donc, égal à 11’14” par an. Ce décalage va entraîner une décision qui peut étonner, quoique nécessaire.

L’équinoxe, qui désigne deux fois par an l’égalité des temps diurne et nocturne, avait été fixé au 23 mars de chaque année. À cause du décalage l’équinoxe en l’an 325 tombe le 21 mars ! En 1582 ce décalage s’est amplifié et l’équinoxe se produit le 10 mars. Or Pâques est toujours établi en rapport d’un équinoxe fixé au 21 mars.

Le pape Grégoire XIII entreprend alors de combler le retard pris par le calendrier officiel sur le soleil. Un rattrapage de 11 jours est déclenché l’année 1582, entraînant la suppression d'une période qui va du 4 octobre au 15 octobre de cette même année 1582.  D’autre part, il est décidé que les années séculaires non divisibles par 400 ne seront pas bissextiles. Le calendrier est alors établi sur un cycle de 365, 2425 jours et le déclage n’est plus que de 3/10000ème de jour / an.

Certaines Églises d’Orient ont maintenu la fête de Pâques établie selon le calendrier julien, alors que les catholiques fonctionnent, eux, sur le calendrier du pape Grégoire XIII, dit calendrier grégorien. Voilà pourquoi la Pâque des orthodoxes est souvent célébrée à une date différente de celle que choisissent les catholiques.

 

Gérard LEROY, le 15 mars 2009

  • (1) Les trois grandes fêtes juives à l’époque de Luc sont la Pâque, fête nationale de libération du peuple juif, la Pentecôte et la fête des Tentes, qui est aussi la fête des vendanges. cf. Paul Auvray, Initiation à l’hébreu biblique, Desclée & Cie, Tournai 1955, p. 241, note 51.
  • (2) La Pentecôte sera mise par le judaïsme postérieur en rapport avec la proclamation de la loi au Sinaï. Au temps de Jésus, elle est appelée “fête des semaines”, Shavouot. On la célèbre cinquante jours après la Pâque, plus précisément sept fois sept jours suivant le lendemain de la Pâque.