Pour Yves et Marie Lou Giorello, avec mon amitié
   Au Ve siècle la population est hétérogène. Les évêques nicéens ont à maintenir la foi dans des milieux très divers, et à conserver la pureté des mœurs dans un monde marqué par l’influence des peuples barbares.

C’est à cette époque qu’on passe de la continence considérée comme un honneur à l’obligation de célibat pour les prêtres, car en Occident de nombreux prêtres, diacres et évêques sont mariés. Ce n'est que progressivement que, partout en Occident, l’évêque, le prêtre paroissial et même le diacre, en viennent à adopter le célibat. Pour tenir leur maison ils ont à leur disposition une femme de leur famille.

Les obligations de l’évêque consistent à lire chaque jour le Livre des heures canoniques, administrer les sacrements, dire la messe et prêcher. Au curé de la paroisse de célébrer la messe dominicale et d’instruire ses ouailles.

Les clercs portent une longue tunique, sont rasés de près et gardent le cheveu court.

Les Pères sont parfois amenés à édicter des peines graves contre des chrétiens qui entretiennent des relations trop cordiales avec les juifs. On interdit aux clercs de manger à la table des juifs, et les juifs qui demandent le baptême sont mis à l’épreuve pendant huit mois avant de le recevoir.

 

Pratiques religieuses, sacrements et mœurs
Les fidèles sont tenus de se rendre à la messe dominicale et d’y assister jusqu’au bout. Obligation leur est faite de communier à Pâques, à Pentecôte et à Noël s’ils veulent être identifiés comme catholiques. On fête aussi l’Épiphanie, et la nativité de saint Jean-Baptiste.
Les fidèles doivent jeûner durant tout le Carême, tout comme ils doivent s’astreindre de relations sexuelles, en Carême, le dimanche et en période de pénitence.

Le baptême est, depuis le début du IIIe siècle, précédé d’une préparation, soit auprès du mourant, soit auprès de ceux qui le demandent. Les catéchumènes apprennent alors le credo par cœur. Le catéchuménat est un temps de pénitence et d’abstinences. Plus tard, la multiplication des baptêmes d’enfants réduira les baptêmes d’adultes qui deviendront une exception.
C’est l’évêque qui baptise, à Pâques, à la Pentecôte ou à l’Épiphanie, dans un baptistère à part de l’église. Le baptisé est dépouillé de ses vêtements, oint d’huile sur tout le corps. On le tourne vers l’ouest, geste de la renonciation à Satan, puis vers l’Est, geste d’adhésion à Jésus-Christ. Le baptisé est immergé trois fois, puis revêtu d’un habit blanc pour entrer enfin dans l’église.

La vie chrétienne doit consacrer une grande partie à l’aide aux malades, au lavement des pieds des hôtes, à la visite des prisonniers. Les chrétiens doivent fuir l’adultère, le faux-témoignage, le mensonge, l’orgueil.

Mais les chrétiens dans leur majorité font preuve de peu de zèle dans la charité, se montrent goulus à table et se complaisent dans les beuveries. Les troubles du mariage sont dénoncés. Le mariage n’est pas encore considéré comme un sacrement. Il le sera au XIIe siècle. L’indissolubilité en vigueur du mariage saute en cas d’adultère. On prend la précaution de l’interdire entre proches parents. Il est fréquent de voir les jeunes gens de la bonne société s’autoriser au concubinage avant le mariage. Césaire, évêque d’Arles de 502 à 542, reprochait l’appétit excessif de jouissance, le désordre sexuel, l’avortement couramment pratiqué à l’aide de potions et que Césaire qualifiait de sacrilège homicide.

Pratiques charitables et pénitentielles
Césaire nous renseigne là-dessus. Il avait été abbé du couvent d'Arles avant d’être l’évêque. Il avait imposé des usages à ses moines : pauvreté, sobriété, travail manuel, méditation, chant. Afin d’éviter le purgatoire ou l’enfer, Césaire recommande à ses ouailles la pratique des bonnes œuvres, soit : visiter les malades, les prisonniers, jeûner, laver les pieds, à l’image du Christ, secourir, pardonner, aimer son prochain. On sait qu’à Arles des pénitences publiques ont été infligées par l’évêque aux pécheurs passibles de fautes graves. Césaire recommandait de ne donner le sacrement de pénitence à ces gens qu’une fois qu’ils étaient à l’article de la mort. Tous les autres pécheurs devaient se confier à un directeur de conscience. “Les bons prêtres font ce qu’ils peuvent, et s'efforcent de prier avec une infinie charité afin de pousser à la pénitence ceux auxquels, à cause de leur multitude innombrable, ils ne peuvent appliquer la sévérité de la discipline ecclésiastique.

La vie monastique. Les états de perfection : convers et moines
Des chrétiens choisissent de se séparer du monde, en embrassant une sorte d’état religieux privé. Ce sont des laïcs qui se consacrent à la prière. On les appelle les convers, autrement dit ceux qui se convertissent. Ceux-là renoncent aussi au mariage.
C‘est en ce temps qu’un ermite italien, Benoît de Nursie, fonde le monastère du Mont-Cassin, entre 520 et 530. Il y élabore une règle de vie commune. Le cénobitisme bénédictin est né et deviendra la forme dominante du monachisme occidental.

La vie monastique s’organise pour les hommes et pour les femmes. De nombreux monastères sont édifiés au VIe siècle. On en compte deux-cents en Gaule. Le premier monastère de femmes qu’on connaisse en Gaule fut fondé par Césaire en 513, aux Alyscamps, à Arles.

Le cas de la Narbonnaise
Dans son œuvre relative à la vie des Douze Césars, Suétone raconte ceci : “Tibérius, père de Tibère, questeur de César, commandant la flotte de César pendant la guerre d’Alexandrie. Victorieux il reçut en récompense la nomination de “Pontife” à la place de Scipion, puis envoyé en Gaule pour créer des colonies dont Narbonne et Arles.” (1)

Au VIe siècle la Narbonnaise est inscrite dans un royaume gouverné par les Wisigoths, ariens selon lesquels, rappelons-le, le Fils n’a pas de nature divine.

L’évêque qui préside le concile d’Arles de 506, à Arles, la Rome gauloise, c’est Césaire. Celui-ci laisse 238 sermons qui rendent compte de ce que put être la pratique religieuse au cours de cette période. Ces sermons relatent le combat que Césaire livre contre les ariens et les pélagiens.

Il s’attache d’autre part à discipliner sa communauté :  “Voilà quelques jours j’ai donné un conseil : les personnes incapables de se tenir debout étaient autorisées à s’asseoir et à écouter humblement, en silence et avec attention. Or, voici que certaines de nos filles s’imaginent qu’elles doivent faire de même, tout en étant en parfaite santé. Dès que l’on commence à lire la Parole de Dieu, beaucoup d’entre elles s’étendent comme si elles étaient au lit; elles bavardent entre elles, au point de ne rien entendre et d’empêcher les autres d’écouter. Aussi, vénérables filles, je vous en prie : quand on lit les leçons et quand on prêche la parole de Dieu, que personne ne se couche par terre (à moins qu’une maladie l’y oblige) et qu’alors on ne s’allonge pas mais qu’on s'assoie plutôt, en écoutant attentivement et avec intérêt la prédication.” (2)

Narbonne est inscrite dans la région qu’on appelle Provincia Septimania (3). Dans la Narbonnaise, des églises rurales sont fondées par des évêques ou construites par des propriétaires terriens. Parfois des habitants rassemblent leurs ressources pour édifier un lieu de culte.

Au début du VIe siècle il existe 3 évêchés dans la région : Béziers, Lodève et Agde, et, pense-t-on, Maguelone (près de Palavas).

On raconte que les reliques du martyr Félix sont conservées dans une basilique de Narbonne (dans le site actuel de Saint-Félix). À cause de sa hauteur la basilique bouchait la vue depuis le palais royal. Le roi Alaric († 410)  s’en confie à Léon, son conseiller, membre d’une famille sénatoriale de Narbonne, grand lettré versé en droit. Léon conseille d’ “enlever à cet édifice un étage”.  Ce qui fut fait. Mais l’édifice présentait des proportions déséquilibrées et aussitôt Léon perdit la vue. C’est en tout cas ce qu’a raconté Grégoire de Tours (4).

Gérard LEROY, le 1 juin 2012

  1. Suétone,  La vie des XII Césars.
  2. cf. Actes du colloque tenu en 2006 à Agde, p. 165.
  3. id., p. 270.
  4. id., p. 272.