Pour Louis et Jackie Dolcemascolo 

Pourquoi fait-on du sport ?

Les motifs qui conduisent un individu à la pratique du sport ne s'estompent pas avec l'exercice, dont il faut s'attendre à ce qu'il fonde d'autres motivations. Les nouvelles prennent alors souvent le pas sur les premières. Si quelqu'un vient s'inscrire dans un club avec l'espoir d'atteindre un jour la célébrité du champion —ils sont légion—, pourquoi continue-t-il sa pratique alors que son impuissance à réaliser son rêve se confirme à chaque compétition. C'est que, probablement, il a découvert des joies jusqu'alors ignorées, suffisantes à expliquer sa perspicacité.

Les motivations sont diverses. Retenons celles qui président d'ordinaire à la décision de pratiquer régulièrement un sport.

Il y a d'abord l'attrait pour le jeu. C'est bien là l'essentiel du sport. Et c'est bien aussi une dimension de la vie. L'homme éprouve ce besoin de dépense physique et mentale, sans finalité utile, et dont la seule raison d'être, pour la conscience de celui qui s'y livre, est le plaisir même qu'il y trouve. On envisage mal le jeu sans le goût pour la confrontation. Et pourtant, ce goût pour la confrontation n'est pas partagé par tous les sportifs. On connaît le cas d'indiens Hopi passionnés par le basket-ball, mais si désintéressés par le score qu'ils restent incapables de compter les points.

La joie éprouvée par les coureurs matinaux dans les bois ou les jardins ne traduit pas le besoin de compétition qui les aiderait à sortir du lit. Seul le souci de se maintenir en forme explique leur sortie quotidienne. À les voir, ils ont gagné. La joie de se retrouver, de partager un moment de détente ensemble suffit à leur bonheur. Tandis que le goût pour la compétition relève d'autre chose, d'un besoin d'aventures, d'expériences intenses, de risque, celui de perdre n'est pas le moindre. L'athlète a besoin de l'autre pour se mesurer, se poser en s'opposant, dans un rapport de forces au terme duquel le succès qu'il vise le grandira à ses yeux.

La peur de perdre est à la mesure de la motivation à vaincre. Quand la motivation se fonde sur la frustration, la contrariété, le mécontentement de soi, le désir de détruire quelque chose de son passé, alors la peur se transforme en agressivité. Les psychologues opposent l'agressivité à la combativité. Le combat, selon leur acception du terme, est constructif, car il cherche à bâtir l'avenir. Aussi les sportifs doivent-ils être des combattants, pas des agresseurs.

Le désir de faire du sport n'est pas seulement influencé par un environnement, familial, scolaire, culturel, favorable à la pratique sportive. Celle-ci ne tient pas non plus seulement du goût pour l'esthétique, ou même du besoin de se délester d'un trop-plein d'énergie, d'affirmer la vie, de conjurer la mort. Le désir de faire du sport s'inscrit aussi, et c'est fondamental, dans l'ensemble des activités structurantes du moi. Le désir d'être reconnu comme personne, autonome, le désir de s'affirmer, mais aussi le désir de prestige, tout cela participe du désir d'exister qui trouve dans l'exercice sportif un terrain privilégié d'expression.

Enfin l'une des motivations que l'on retrouve fréquemment chez un sportif, c'est l'attrait pour la communauté. Parmi les principes qui président à l'entrée dans un club, il y a cette intuition que l'équipe a le pouvoir de donner à l'individu ce que l'individu ne peut obtenir seul. Mieux même : il fait l'expérience qu'un profit n'est pas diminué par le partage. L'esprit d'équipe c'est précisément la conscience de sa propre capacité à apporter, à partager. C'est tout autant la conscience de la joie à recevoir, à être représenté autant qu'à représenter. C'est l'esprit communautaire, si bien vécu et cultivé par les équipes universitaires américaines, sachant ajouter la dimension festive sans laquelle le sport perd toute saveur.

Gérard LEROY, le 19 août 2008