Les changements nécessaires à la mission des Églises. Marcel Légaut commenté par Xavier Larère

 

A cause de la sacralisation quelque peu abusive de l’institution qu’elle s’est donnée, l’évolution des structures de l’Église ne suit qu’avec retard celle de la société. Si l’essentiel du message chrétien est resté disponible, on le doit moins à la stabilité de ces structures et à la sagesse politique de l’autorité, qu’à la foi et à la fidélité de croyants qui, au fil des générations, l’ont redécouvert en le vivant de façon personnelle. 

L’existence de Jésus paraîtra d’autant plus unique et indispensable qu’on se sera attaché à mieux mesurer la nature et les dimensions du conflit que Jésus a affronté pour en arriver à de telles conclusions dans son enseignement et à de telles conséquences dans ses comportements qu’il en fut maudit par les autorités religieuses de l’époque. Cette approche de l’existence de Jésus implique une critique serrée de la religion en tant qu’elle ne pousse pas ses membres à se poser les questions  soulevées par une vie aussi extraordinaire. On peut se demander si nos Églises n’ont pas fondé leur doctrine et leur culte en adoptant l’idée d’un Dieu se suffisant à lui-même,  d’une essence extrinsèque, tout en étant conçu dans ses relations avec les hommes de façon anthropomorphique ?

Au lieu de penser la divinité de Jésus à partir de la conception de Dieu qu’on avait en Israël, n’aurait-on pas dû procéder en sens inverse et faire l’approche du mystère de Dieu à partir du mystère de Jésus entrevu grâce à l’intelligence de ses comportements, et sous l’influence de sa présence actualisée par un souvenir vivant et créateur ?

Les Évangiles ne sont guère l’écho des témoignages intimes sur ce que les disciples ont vécu personnellement avec Jésus. A mesure que ces écrits prenaient forme, il semble que les aspects psychologiques aient été progressivement gommés, comme s’ils ne convenaient plus à l’idée que l’on se faisait du Christ. Il paraissait plus important de centrer le message sur le plan de Dieu pour le salut des hommes.

L’Église est née dans un climat d’exaltation : l’enthousiasme d’être sauvé, la découverte de la liberté personnelle, l’attente de la Terre nouvelle. Les exigences rapportées par ces Écritures, dans les conditions où elles ont été émises, n’autorisent pas à leur donner sans discernement un caractère général pour toutes les époques, tous les lieux, tous les êtres. Il faut les considérer comme un appel proportionné à ce qui peut être réalisé par l’homme libre qu’elles interpellent et qui les accueille dans les conditions personnelles où il se trouve.

Nos Églises doivent reconnaître que d’avoir, dès le début, fait de la doctrine leur raison d’être et l’agent de leur croissance, a réduit la vie humaine de Jésus à n’être que la “préhistoire” du christianisme. Pour elles, il semble que leur Institution a plus d’importance que ce que Jésus a eu à vivre il y a vingt siècles et où tout a son origine. Cette manière d’absolutiser l’Église, sa doctrine et sa discipline aux dépens de la vie humaine de Jésus, pèse gravement sur la possibilité du christianisme d’être universel dans l’avenir.  

Continuer à lire

Pages