Un homme de foi et son Église : Marcel Légaut commenté par Xavier Larère

   Livre testament d’un normalien, professeur de mathématiques à l’université, berger animant un centre spirituel dans la Drôme, chantre de l’expérience intérieure, insistant sur la différence d'une religion d’autorité fondée sur des structures de gouvernement et d’enseignement recourant au besoin à la contrainte, et une religion d’appel, spécifique du christianisme, où le témoignage prend le pas sur les structures.

Examinons le rapport de la foi à la modernité. Les croyances sur Dieu ataviques, traditionnelles, sont laminées tant les conclusions qu’elles entraînent dans la vie de chaque jour sont contestées par les connaissances qu’on a désormais du réel, qui se révèlent d’une grandeur et d’une diversité inimaginables. On peut même se demandes si Dieu au sens judéo-chrétien existe encore pour la majorité des hommes.

L’effondrement de la croyance en un Dieu législateur et juge tout-puissant a accompagné  l’écroulement des normes extérieures qui visait à imposer des limites aux comportements des hommes.  Mais la notion de péché garde sa raison d’être lorsque l’homme est suffisamment intériorisé pour reconnaître en lui les exigences qui relèvent de la fidélité à ce qu’il se doit de par ce qu’il est (cf. Julien Sorel) C’est quand l’homme ne correspond pas à ses exigences intimes qu’il y a péché, un péché qui, par sa nature, déborde l’infraction à la loi comme l’homme, en son être profond, dépasse ses comportements.

Il est des fidélités qui dictent des désobéissances (Jésus enfant au Temple) comme il y en a qui exigent beaucoup plus que ce que la loi peut commander. Et il est des obéissances qui sont des infidélités lorsque derrière l’observance de la loi, on refuse des exigences sur lesquelles celle-ci est muette.

Il faut tourner le dos au moralisme légal de Paul qui a préféré le mot d’obéissance à celui de fidélité. Pourtant, celle-ci sous-tend une adhésion sans réserve à ce qui est exigé au plus intime de soi alors que l’obéissance est imposée du dehors par un supérieur. La fidélité déborde l’obéissance de toute l’intériorité que  l’obéissance n’implique pas. Observée à contre-temps, l’obéissance peut être un obstacle à la vie spirituelle et au souci vrai du prochain.

Le bien est l’ennemi du mieux. Il y a danger de la notion d’un Bien absolu, séparé des contingences où il s’incarne. Plus que jamais, il faut laisser à chacun les délais larges qui lui sont nécessaires, de par ce qu’il est, de par son hérédité, de par la société où il vit (cf. Rousseau) pour qu’au cours d’expériences qui peuvent être coûteuses, il prenne sa vie en mains et s’y tienne avec persévérance. Même les états passionnels qu’il peut connaître, avec  leurs crises de violence qui semblent sur le moment le dévoyer gravement, peuvent lui être nécessaires pour qu’il trouve sa voie (Paul, Augustin, Foucauld…)

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