Pour Dominique Leviel, en hommage amical

   Le Nouveau Testament, ce fut l’acte d’interprétation de la première communauté chrétienne. Ce texte demeure normatif pour le témoignage de l’Eglise aujourd’hui, mais il s’agit de le traduire aujourd’hui, dans ce nouveau contexte historique, de telle sorte que ce texte lu comme libération de l’être humain et rencontre avec Dieu, débouche sur une expérience de salut. 

Il y a une analogie entre la fonction du Nouveau Testament dans la primitive Eglise et le surgissement de ce témoignage dans l’Eglise et les sociétés contemporaines. Avec la garantie du même Esprit, celui du Christ toujours vivant, la continuité du témoignage n’est pas dans la répétition mécanique d’une doctrine identique, mais dans l’analogie entre deux moments d’interprétation. Car c’est une illusion de croire qu’il est possible de re-répéter le langage traditionnel de la foi en se contentant lâchement de l’adapter aux goûts du jour. Il n’y a pas de transmission réelle de la foi sans interprétation. Il y a un discernement à opérer sur le contenu du message, à distinguer ce que les linguistes ont appelé le référant comme le concept, et le signifiant, comme l’image qui surgit d’un mot. Et le signifiant ne peut être porteur de la visée permanente du message qu’à la condition d’avoir été discerné dans sa contingence.

    Or ce que nous constatons, c’est un fossé croissant entre le langage chrétien et les langues d’aujourd’hui. Le langage chrétien paraît souvent d'un autre temps, propre à la boutique, et qui oblige parfois à une étrange contorsion intellectuelle pour mettre les discours entendus en phase avec nos interrogations. Le langage chrétien est à revoir, en vue d’annoncer au monde d’aujourd’hui un événement de l’histoire dont les significations portent sur l’éternel de l’humain. Comment le langage chrétien peut-il porter la révélation ? La parole d’aujourd’hui doit coïncider avec l’aujourd’hui de nos existences. 

La bonne traduction doit viser à la fois la fidélité au texte et le respect scrupuleux du sens, traduit différemment par les outils du langage à travers les âges. Il est impératif d’être fidèle à la visée même de sens inhérente au texte. 

La responsabilité du vrai traducteur, c’est la quête incessante des équivalences entre le génie propre de la langue de départ et le génie propre de la langue d’arrivée. Le critère de la bonne traduction et donc de la bonne interprétation, c’est que le texte devienne interprétant pour le lecteur ou l’auditeur. On peut alors parler d’une actualisation de la parole de l’Evangile dans toutes les langues et cultures du monde. Comme en musique, ce n’est pas nécessairement l’imitation servile de la première exécution dirigée par le compositeur lui-même qui restituera la meilleure interprétation de l’œuvre. Il en va de même analogiquement du langage de la foi.

 

Gérard LEROY, le 24 mai 2017