Les chrétiens ont peine à démêler un certains nombre de difficultés concernant l'unité de la foi et la diversité des formulations.

Il leur faut admettre que si la foi est une, la sensibilité culturelle des croyants d'hier et d'aujourd'hui ne donne pas la même traduction de la foi primordiale. Si l'on s'y retrouve, on peut formuler diversement cette foi.

On avait autrefois, et jusqu'à une époque très récente, une conception assez autoritariste de la vérité. Luther, en son temps, disait : "ne me demandez pas ce que je crois, demandez-le à l'Église !" On traduisait la foi de façon dogmatique. Ajoutons que l'unité d'hier a été vécue dans un contexte culturel où l'on avait la satisfaction de baigner dans un monde fonctionnant en quelque sorte sur un consensus philosophique.

Aujourd'hui, l'unité de la foi ne peut être comprise comme hier. Les chrétiens ont aujourd'hui un sens très vif de la vérité vérifiée existentiellement, qui implique à la fois le sujet et la liberté. L'autorité qui déclare la vérité a beaucoup moins d'importance qu'elle n'en eut autrefois.  L'individu a gagné en autonomie. L’émergence du sujet humain se réalise au beau milieu du XIXe siècle, et va dans le sens de l’esprit critique, de l’affirmation de la subjectivité de l’homme, de la liberté, de la rationalité, de la maîtrise de toutes choses, et de la distance prise par rapport à tout pouvoir, toute norme faisant appel à une transcendance. Ainsi l’homme a t-il pris, peu à peu, de la distance par rapport aux explications religieuses concernant la morale, ses choix de conscience, l’usage de sa liberté personnelle. Aujourd'hui, aucune expression de la vérité ne peut être reçue ou lue comme telle. Tout est objet d'interprétation. D’où l’importance qu’on accorde aujourd'hui à l’herméneutique.

Bref, l'unité de la foi ne peut plus être comprise aujourd'hui comme hier.

J'ajoute une remarque. L’unité de la foi n’est pas signifiée par l’élan spontané qui nous rassemble autour d’œuvres caritatives. Il ne s'agit pas de se donner rendez-vous dans les conséquences pratiques, politiques, sociales (normatives) de la foi, où la confession de foi serait laissée en chômage, comme si l'unité de la foi se réalisait seulement au niveau de l'expérience.

Les "B.A.", les "Bonnes actions", si méritoires et louables soient elles, ne réalisent pas l'unité de la foi, laquelle s’exprime au niveau de la concentration évangélique. L'unité de la foi se vérifie dans une confession de foi élémentaire fondée sur l'identité de Jésus. La concentration évangélique n'est pas un minimum, un digest de credo raccourci. C'est l'essentiel.

Dit autrement : tout part et tout découle de l'Évangile, le pape, l'Eucharistie, le purgatoire, la Vierge Marie... C'est un effort de tous les croyants de rapatrier sans cesse tous les contenus ultérieurs de la foi dans cette concentration primordiale où ils ont à se donner rendez-vous. Depuis toujours les débats théologiques ne se sont ouverts qu'une fois cette condition réalisée. Ce n’est qu’à partir de cette condition réalisée que la diversité est envisageable.

 

 

Gérard LEROY