Pour Bernard Kouchner, en hommage amical

    Le monde occidental, à la fois dominant et en déclin, est aujourd’hui confronté au monde musulman, dominé, d’où la rébellion de certains de ses coreligionnaires, est en expansion. Les choses ont changé, depuis que les Arabes d’Espagne faisaient le meilleur accueil aux chrétiens et aux juifs, ou même quand Saladin conquérant Jérusalem marquait plus de mansuétude envers les chrétiens que les chrétiens envers les Sarrasins quand ils avaient conquis Jérusalem. 

Imaginons que des radicaux musulmans entreprennent d’étudier le fondamentalisme chrétien, en se penchant, par exemple, sur ces protestants américains, plus fanatiques qu’un ayatollah, qui cherchent à expurger l’école de toute référence à Darwin. Ils verront peut-être d’un oeil plus critique l’idée de guerre sainte que pour l’heure ils cultivent.

Samuel Huntington avait publié en 1997 un ouvrage qui avait fait couler beaucoup d’encre. Le Choc des civilisations était paru en Français chez Odile Jacob. Considérant que la guerre froide avait été nourrie des idéologies opposées telles que le communisme et le libéralisme, le nazisme et le fascisme contre l’alliance des démocraties, Huntington fait correspondre la fin de cette guerre avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement du communisme, en continent Européen particulièrement. À l’affrontement des idéologies a succédé, selon Huntington, celui des civilisations.   

Si M.J. Herskovits, dans Les bases de l’anthropologie culturelle, (Payot 1970), définit la culture comme une identité culturelle, fondée sur la langue, l’histoire, la religion et les coutumes, sa définition de la civilisation, sur laquelle tout le monde s’accorde, la désigne comme “l’ensemble des formes qui structurent et régissent la vie humaine d’une société définie à l’intérieur de l’espace et du temps”. Herkovits observe la culture comme un ensemble traditionnel, à la fois régulateur et créateur, de comportements, de croyances et de connaissances, à l’intérieur d’un groupe autonome dont les expressions littéraires, artistiques, intellectuelles, religieuses, à un moment donné de son histoire, déterminent son identité. 

Hutington prédit que nous devrons nous affronter entre un monde occidental et un monde musulman, en marge duquel se déploiera le mouvement confucéen participant au renversement de la domination occidentale.

Si Pascal Boniface (1), directeur de l’Institut de relations internationales stratégiques (IRIS), observe que les conflits les plus sanglants et les guerres les plus meurtrières l’ont été sur le continent africain, il retient que c’est entre l’islam et le monde occidental que la tension retient l’attention. 

Pour autant, il n’est pas question d’un choc des civilisations dont la thèse est déterministe, car les civilisations ne vont pas nécessairement s’affronter. En revanche, ce serait une erreur de nier aujourd’hui cette hypothèse tant recherchée par les radicaux islamistes qui s’en prennent plus à l’occident qu’ils ne défendent un idéologie religieuse. Le choc des civilisations, n’est ni inéluctable ni inévitable, soutient P. Boniface. Il reste certain que l’existence d’un fossé entre monde musulman et monde occidental s’élargit et constitue aujourd’hui un des défis du monde moderne. L’avenir appartient au monde politique. S’il reste à celui-ci encore quelques moyens. Lesquels s’anéantissent de jour en jour.

 

Gérard LEROY, le 15 juillet 2016

(*) Pascal Boniface, La géopolitique, Eyrolles, 2016