Pour Gaëlle, que j'embrasse

Barbarus !” crient à tous vents les Romains. L’expression est chargée de mépris à l’égard de tous ceux qui ne leur ressemblent pas, et surtout qui ne parlent pas ou mal le latin. Elle est appliqué à tous les peuples autres que les Grecs et les Romains, autrement dit à tous les “étrangers”. Le grec barbaros désignait d’ailleurs les “non-Grecs”. Le mot est formé sur une onomatopée qui évoque le bredouillement incompréhensible. Au figuré il véhicule les synonymes de “rude”, “inculte”, voire “grossier”, pour qualifier un usage incorrect de la langue. Les auteurs chrétiens l’utilisaient pour désigner les gentils, les païens. 

On trouve encore dans le dictionnaire sanskrit la même signification pour le mot barbara.

En français le mot barbare a été repris pour qualifier les étrangers à la civilisation chrétienne d’Europe occidentale, pour désigner, à la Renaissance, ce qui est rustre, goujat, sauvage ou inculte, bref non civilisé. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le mot barbare a été affecté aux individus cruels.

Mais dans l’histoire le mot barbare s’applique aux envahisseurs venus d’Europe centrale et du nord, en majorité germaniques. On a donc parlé d’invasions barbares, englobant tout à la fois celle des Goths venus du Nord au IIe siècle, celle des Huns et des Ostrogoths venus d’Asie centrale, des Lombards et des Alamans, celle des Vandales, la plus importante, ayant traversé la France au tout début du Ve siècle, puis l’Espagne, poursuivant leur conquête sur toute l’Afrique du Nord jusqu’à Carthage. Toutes ces hordes venues du froid et des frontières de l’empire convoitaient l’eldorado romain, à portée de main.

Les modèles des Barbares sont ces gens qui résident sur cet immense territoire à l’est du Rhin, les Germains, croque-mitaines de l’époque. Déjà Jules César les évoque dans sa Guerre des Gaules. Sa description peu flatteuse, nous apprend que ces barbares sont des rustres, se nourrissant cependant comme tout le monde de lait, de fromage et de viande. Ce qui, en clair, les montre comme des éleveurs, et non des agriculteurs, plutôt nomades. Ce qui apparaît comme une tare aux

yeux des Romains, avant tout cultivateurs.

Autre singularité qui déplaît à ce vieux Jules : les barbares ne connaissent pas la propriété privée; ils exploitent leurs terres collectivement, et passent le reste de leur vie “à la chasse et aux exercices militaires”. 

César distingue les Gaulois et les Germains dont il redoute l’agressivité. Les guerres que se sont livrées les Romains et les Teutons ont tourné à l’avantage des latins, en dépit des gabarits, de la hargne au combat, de la discipline des Germains. Une défaite cependant est à retenir, sous l’empire d’Auguste, en l’an 9, dans la forêt de Teutobourg. Trois légions romaines y furent détruites. Si les circonstances de la destruction de ces trois légions, ainsi que la localisation de l'événement, sont mal connues, les auteurs qui ont évoqué cette bataille, Ovide, Strabon, Tacite, Suétone et d’autres nous permettent de conclure à la disparition de trois légions plus qu'à la défaite militaire d'une armée en campagne. On apprend cependant que les Romains ont été bernés par un ex-officier de l’armée romaine passé chez l’ennemi. La trahison qui explique la défaite a causé un véritable traumatisme dans le camp romain. Rome, pour contenir les incursions germaniques ultérieures placera plus de la moitié de ces légions en bordure du Rhin.

Les Germains séduits par la culture romaine, de gré ou de force, s’établiront hors de leurs frontières, en Gaule, en Italie ou dans les Balkans, s’unissant même à Rome pour bouter leurs “frères” d’outre-Rhin. Les Barbares sont ainsi passés au service de l’empire !

 

Gérard LEROY, le 11 septembre 2014