Pour Claude Geffré, fraternellement

   Le père dominicain Yves Congar, aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands théologiens du XXe siècle, a vécu de 1904 à 1995. Il a, toute sa vie, manifesté un profond attachement au mystère de l’Église, avec une indéfectible volonté de service de la Vérité dans l’Église, allant de la patience jusqu’au sacrifice. Par un approfondissement de la Parole de Dieu il a aidé les croyants à approfondir leur foi, et à comprendre leur pleine qualité de membres actifs. Ses ouvrages ont été de ceux qui ont réveillé les catholiques. Leur volume est si impressionnant qu’on peut se demander si le père Congar a lu tout ce qu’il a écrit !  

Nous devons au P. Congar le passage d’une conception de l’Église à dominante juridique à une vision eschatologique de l’Église conçue comme peuple de Dieu, corps du Christ, Temple de l’Esprit. Pour le P. Congar, le grand malheur du catholicisme moderne, est d’avoir tourné en théorie et catéchèse l’en-soi de Dieu et de la religion, sans y joindre le moment de tout cela pour l’homme. 

Ce que l’on retient, parmi tout ce qu’il y a à retenir, c’est son travail en faveur de l’œcuménisme.

L’ouvrage Chrétiens désunis. Principes d’un «oecuménisme» catholique, publié au Cerf en 1937 a été prophétique. Ce livre a fait prendre conscience à l’Église que pour être tout à fait universelle, catholique, elle avait besoin des dons des autres. 

Le P. Congar devait son sens de l’œcuménisme à un événement marquant de son enfance : à Sedan, sa ville natale, l’église de sa paroisse catholique ayant été brûlée en 1914, le pasteur du quartier avait proposé à son curé une petite chapelle protestante. Cette expérience a joué un grand rôle dans le désir et la capacité du P. Congar d’aller au-delà de ce qui sépare et divise.

Le P. Congar fut aussi un ecclésiologue. Sous un titre un peu provocateur, il a publié l’ouvrage Vraie et fausse réforme dans l’Église, (Paris, Cerf, coll. “Unam Sanctam”, 20, 1950). Selon lui, l’Église devait se réformer, non pas pour chercher à être à la mode, mais pour que l’Évangile puisse réellement rejoindre les hommes et les femmes tels qu’ils sont. Ce livre et ses positions avant-gardistes, lui ont valu d’être taxé de «théologie nouvelle». Il s’est retrouvé exilé par Rome, mis à l’écart pendant plusieurs années. Il a séjourné à Jérusalem, à Rome, en Angleterre, puis à Strasbourg où l’enseignement lui était interdit. 

Congar était-il un prophète ? Bien qu’il fut suspecté, ostracisé, certains ne citaient jamais son nom sans l’accompagner de cette épithète louangeuse.

En 1962, le pape Jean XXIII venant d’ouvrir le concile Vatican II pour que l’Église se réforme, cherche des réponses aux questions de la culture contemporaine. Le père Congar est invité. Il y joue un rôle si important qu’il arrivera qu’on appelle ce concile le “concile de Congar”. 

Rome en a fait un cardinal, en 1994, un an avant sa mort. Il fait partie, aujourd’hui, de ceux que l’on cite sans la crainte d’être traité de nostalgique. La pensée du P. Congar est en effet toujours vivante.

 

Gérard LEROY, le 4 décembre 2015