Pour Bernard S, 7/8, en hommage amical

   La Cène décrite par les évangélistes Mattieu (Mt 26, 26-29), Marc (Mc 14, 22-25), Luc (Lc 22, 14-20) et Jean (Jn 13) se serait déroulée par rapport à un rite juif dont le détail n’est pas connu. Il nous est raconté que Jésus a « mangé » la Pâque (Mt 26, 17 ; Mc 14, 12 ; Lc 22, 11-15). Jésus mange ce repas à Jérusalem, et non en Galilée d’où il vient. Ce repas a lieu la nuit (Jn 13, 30), après le crépuscule. Jésus est allongé à table (Jn 13, 23), alors qu’au repas ordinaire on mangeait assis. Ce qui traduit l’influence de la culture gréco-romaine sur les rabbins. Le menu est unique et le groupe partage donc un plat commun, accompagné d’un pain azyme, sans levain, et d’herbes amères.

En datant la crucifixion le 14 Nisan le repas qui se déroule la veille peut être daté du 14 puisque la datation des jours commence le soir. Un décalage d’un jour est à noter entre le calendrier lunaire des Galiléens employé par Jésus et ses disciples et celui des Judéens, lesquels ont interprété très tôt l’agneau pascal de l’Exode comme un type de Jésus qui sauve le monde par son sang ; notons encore le décalage entre les calendriers saducéen et pharisien.

Je m’autorise à penser que Jésus, sachant qu’il allait mourir avant le moment ordinaire du repas pascal, l’a célébrée par avance. Le dernier repas de Jésus serait donc le repas pascal. Les évangélistes décrivent la fraction du pain ou le « repas du Seigneur » pratiqués par leurs communautés en mémoire du repas de Jésus avant sa mort et sa Résurrection comme des accomplissements de la Pâque ancienne.

En dépit des sources juives qui nous parviennent de Flavius Josèphe ou de Philon d’Alexandrie, tous deux contemporains de Jésus, on sait peu de choses sur le cadre rituel de consommation des agneaux immolés au Temple.

Les chants des Psaumes 113 à 118 du Hallel (louage à Dieu,  hallelu-Yah, Yah, étant une forme abrégée du tétragramme YHWH ) achevaient le repas (Mt 26, 30).

Jusqu’au Ve siècle la pratique juive ancienne de célébrer la Pâque se voulait moins une fête qu’un jeûne, rappelant l’instant qui a précédé le départ d’Egypte.

De la description de la fête de Pâques dans le récit de l’Exode à sa célébration au temps de Jésus, le rituel a évolué et les ajouts furent nombreux. La célébration prit le nom de seder (ordre, ou ordo, qui désigne le livre qui présente l’office de chaque jour). Ce qui donna la confection d’un livret de célébration appelé la haggada de la Pâque, qui combinait les textes bibliques et les matériaux de diverses époques. Ce livret est à la fois un rituel décrivant les gestes à faire et une mystagogie suscitant leur explication, la mystagogie se rapportant au temps réservé à l'initiation aux mystères de la foi (à l’eucharistie par exemple). Le mystagogue est synonyme de catéchiste. La forme la plus réduite remonterait aux lendemains de la destruction du Temple en 70. La Haggadah datant des environs de l’an 120, témoignerait du moment où l’on établit la nouvelle obligation de raconter l’Exode durant le seder. Sa forme classique s’établit entre le IVe et le VIIIe siècle.

Gérard Leroy, le 12 août 2022