Pour Bruno et Bertrand, avec mon affection

   En Italie et en Autriche, la droite est au gouvernement ; en France elle est à l’Assemblée nationale ; en Suède elle titille le pouvoir alors qu’en Allemagne elle est dans la rue.

Les droites sont multiples et si diverses qu’il est peu probable qu’elles puissent être unifiées. Certaines de ces droites agissent comme des répulsifs pour d’autres, ainsi l’antisémitisme de Marine Le Pen aux yeux des populistes hollandais.

Les extrêmes droites ont des origines différentes. Certaines sont religieuses et s’effraient, à la manière d’Huntington (1) , d’une probable crise de civilisation  ; d’autres sont issues du fascisme (2) , d’autres sont violentes et révolutionnaires. Mais il y a une thématique commune à ces droites extrêmes, c’est le refus de l’autre, de l’étranger, du migrant, viscéralement criminel et violeur.

Ces droites pointent la menace d’une substitution ethnique des populations européennes. Cette idée prend sa source dans le néo-nazisme éclos dès les années 50, qui craint carrément, et le clame, un génocide progressif des populations européennes. Les extrêmes droite s’inquiètent de l’avenir de la race blanche. D’où le combat des politiques migratoires, sources du chaos, selon eux, et du déclin de la civilisation occidentale.

En Allemagne le combat est violent ; en Italie la Ligue refuse l’accès au port des navires venant en aide aux migrants. Partout on constate le rejet de l’islam, cette religion qui crispe l’extrême droite depuis les années 80, en résonance avec les opinions publiques européennes depuis le 11 septembre 2001, période depuis laquelle on est convaincu que les islamistes ont déclaré la guerre à l’Occident, par une colonisation culturelle et ethnique. 

Depuis une bonne dizaine d’années, et à la faveur d’une mondialisation qui dilue les relations de proximité, qui favorise l’anonymat des interlocuteurs, qui a engendré l’essor de la consommation de produits halal, plus voyants que les produits casher des années précédentes, qui a permis la multiplication des lieux de culte, les idéologies identitaires se réveillent, s’empressant de clamer : « on n’est plus chez nous ».  

On reporte la responsabilité aux musulmans, dont la population n’a cessé de croître, qui serait incapable d’accepter et d’adopter les valeurs du pays d’accueil. Ces critiques sont fondamentales de l’idéologie identitaire, qui s’appuie sur des partis populistes xénophobes, autoritaires, et naturellement protectionnistes par réaction à la mondialisation.

L’arrivée massive de migrants en même temps que la passivité molle des responsables politiques à gérer cette question, entraîne une partie de la population vers les formations les plus radicales qui ont saisi l’opportunité pour dénoncer l’indifférence en regard de laquelle elles détiendraient la solution en prenant le mal à la racine, en expurgeant. Ceci étant annoncé dans les discours politiques de la manière la plus violente. Certains militants en viennent même à se réclamer du parti national-socialiste !

Certains historiens (cf. Le Monde du 7 septembre 2018), prévoient et craignent une augmentation de la violence d’extrême droite dans un futur proche. Les victimes en seront assurément les familles musulmanes. L’opinion publique, remarque l’auteur de l’article du Monde, est d’ailleurs de moins en moins hostile à ces violences, qui ne cessent de se propager dans les divers camps, s’accordant à dire que « les musulmans (confusément : les arabes !), l’ont bien cherché ». 

Jetons un œil sur le rétroviseur. Quand, en 1979, Bernard Kouchner organise le sauvetage des boat-people vietnamiens, tout le monde s’engage, de Jean-Paul Sartre à Raymond Aron, soutenus par Michel Foucault, le rabbin Josy Eisenberg, le cardinal Marty, Yves Montand (3)… Kouchner transforme une coque de noix, "L'île de lumière", en navire-hôpital. 800.000 boat-people ont pris le chemin de l’exode. 120.000 Vietnamiens ont été accueillis en France au titre officiel de « réfugiés ». 

La France dressa pour Kouchner la statue du héros. Aujourd’hui, on préfère abandonner les migrants à leur sort funèbre en Méditerranée. On lâche les chiens. Sans vergogne. 

 

Gérard LEROY, le 18 septembre 2018

(1) cf. Samuel Huntington, Le choc des civilisations, Odile Jacob, 1997.

(2) Le fascisme est un système politique autoritaire, populiste, nationaliste et totalitariste, voire révolutionnaire, qui  s'oppose frontalement à la démocratie parlementaire et à l’État libéral garant des droits individuels. Philosophiquement issu des théories européennes du XIXe s.

Niant l'individu et la démocratie au nom de la masse incarnée dans un chef providentiel, le fascisme embrigade les groupes sociaux (jeunesse, milices) et justifie la violence d'État menée contre les opposants assimilés à des ennemis intérieurs, l'unité de la nation devant dépasser et résoudre les antagonismes des classes sociales dans un parti unique. Du point de vue économique, l’État doit conduire une politique dirigiste. 

Le fascisme rejette la notion d'égalité au nom d'un ordre hiérarchique naturel : il définit un « homme nouveau », un idéal de pureté nationale et raciale qui nourrit en particulier l’antisémitisme et l’homophobie, le refus des handicapés, et exalte les corps régénérés ainsi que les vertus de la terre, du sang et de la tradition, tout comme il affirme une hiérarchie entre les peuples forts et les peuples faibles qui doivent être soumis.

(3) tandis qu’une partie de la gauche, dont François Mitterrand, renâcle, car beaucoup des siens croient encore que le communisme est le modèle à suivre.