Pour Bruno et Rachel, bis repetita

   « Toi qui habites près des grandes eaux, qui possèdes de grands trésors ! », c’est ainsi que s’adresse à la ville de Babylone le prophète Jérémie qui voyait à juste titre dans le système d'irrigation de l'ancienne ville la base de sa prospérité. En ce temps-là, les canaux d'irrigation de Babylone manifestaient une telle prouesse technique unique qu’ils suscitaient l'admiration et l'envie de leurs contemporains. La réorganisation des canaux d’irrigation et la remise en culture des terres agricoles autour de Babylone permirent à la Babylonie de connaître une véritable expansion économique et démographique pendant des siècles.

La gigantesque enceinte de la ville fut relevée et restaurée. La construction du Temple dédié à la déesse Ishtar est attestée pour la première fois dans une tablette datée du XIIe siècle av. J.C. qui comprend une description de la géographie sacrée de Babylone, et donne les noms cérémoniels de ses principaux édifices. La porte principale de la ville, dédiée à la déèsse Ishtar, fut pourvue d’un magnifique décor d’animaux en briques bleues vernissées qu’on peut admirer au Musée de Pergame de Berlin. On accédait au temple d’Ishtar par une grande voie processionnelle d’une incomparable magnificence, tout comme celle qui conduisait à l’Esagil, temple consacré au dieu Marduk vénéré au sommet des ziggurat, ou en haut des tours pyramidales de sept étages appelée l’Etemenanki.

Mais, si le centre de la ville était placé sous l’autorité de Marduk, la partie nord, en bordure de la porte d’Ishtar, relevait du pouvoir royal. Nabuchodonosor y fit restaurer et agrandir le palais sud, qui mesurait… 60 hectares ! Et Nabuchodonosor ne s’arrêta pas là :  il doubla ce palais sud d’un second palais, situé à l’extérieur de la muraille, appelé « palais nord », qu’il fit construire entre 586 et 576. Cet ensemble palatial était pourvu de sa propre enceinte et servait à la fois de résidence royale, de réserve pourvue des ressources les plus diverses et naturellement de centre du pouvoir. Dans l’une de ses inscriptions, Nabuchodonosor se vante « d’avoir entreposé, au cours de la septième année (de son règne, 598 av. J.-C.), à l’intérieur de l’Esagil, 180 millions de litres d’orge, 21,6 millions de litres de dattes, et 20 000 jarres de vin ». Et d’avoir entreposé, à l’intérieur du palais royal, « 360 millions de litres d’orge, 18 millions de litres de dattes et 70 000 jarres de vin ». Un Temple, un Palais, une Tour (de Babel), une ziggourat.

Babel avait été puissante. Babel, un jour s’éteignit.

Les empires mède, perse et grec lui succèderont. Elle avait été l’objet de la convoitise des puissants de la Terre bien avant le VIIe siècle avant notre ère. Ne refusant pas les alliances, elle avait pu se consolider, notamment grâce aux Mèdes qui lui permirent de repousser les assauts des Assyriens et de prendre alors successivement Assur en 614 et Ninive en 612.

Nabuchodonosor avait su conserver un équilibre entre la vénération aux dieux proprement dynastiques dont Marduk, et la vénération aux divinités astrales (Sin, Shamash, Ishtar) propres aux populations de souche araméenne présentes à Babylone (1).

Le malheur voulut que le troisième successeur de Nabuchodonosor, Nabonide (555-539), fut apparenté par ses origines et par son idéologie religieuse aux Assyro-araméens qui rêvaient d’une politique d’expansion, et s’opposaient ainsi aux Babyloniens dévots du dieu Marduk, et dont le nationalisme était plus étroit (2). En l’an 539, Nabonide est seul face à l’empire perse dont le roi Cyrus commande toute l’Asie Occidentale. La cité de Babylone est prise sans coup férir, grâce à un stratagème imaginé par Cyrus qui profite de ce que Babylone célèbre une fête religieuse pour y faire entrer subrepticement ses amis qui investissent le palais royal.

La chute de Babylone eut un énorme retentissement. La Babylonie devint vassale de l’empire perse. Pour les Judéens exilés tous les espoirs devinrent alors permis ; comme l’avaient annoncé les Écritures, la libération allait devenir une réalité toute proche (cf. Is 47, 1-15.).

Plus de quarante mille exilés profitèrent de la libération décrétée par Cyrus. D’autres y étant nés et y faisant des affaires avec des Babyloniens restèrent à Babylone : ils constituèrent le premier centre de la Diaspora. Ces familles se sont parfaitement intégrées dans l'économie de la région. Rien ne les distinguait des autres .

 

Gérard Leroy, le 11 février 2022

  1. cf. M. Leibovici, art. Nabuchodonosor, SDB VI (1960), col 290.
  2. cf. P. Garelli, art. Nabonide, SDB VI (1960), col 269-286.