Théologien suisse calviniste, né en 1886 à Bâle et mort en 1968, Karl Barth compte parmi les plus grands théologiens des temps modernes, “le plus grand théologien de ce siècle”, aurait confié le pape Jean XXIII à un journaliste. Apprenant cela, K. Barth aurait malicieusement rétorqué qu’il n’était “pas loin de croire à l’infaillibilité papale !”

En réaction contre la théologie libérale allemande, de F. Schleiermacher entre autres, Karl Barth a souligné la “différence qualitative infinie” de l’humain et du divin, et affirmé la nécessaire distinction à établir entre la foi et la religion. “Notre foi est l’invalidation radicale de tout ce qui est humain”, disait-il. Karl Barth écrit en 1919 que “notre religion consiste dans la suppression de notre religion” qu’il identifie à un projet humain au terme duquel ne se trouve pas le Seigneur.

Le théologien a élaboré une méthode dialectique résumant la tension interne à toute approche théologique où la vérité ne peut être saisie que par paradoxes, qu’il s’agisse d’une approche sur Dieu, l’homme, leur rencontre, le mystère de l’incarnation, la justification du pécheur, la grâce et la résurrection des morts. Après avoir lancé que “la religion est un péché” en ce qu’elle traduit un projet d’appropriation par l’homme de Dieu, en face de l’Alliance réalisée entre Dieu et l’homme dans la personne de Jésus-Christ, Karl Barth en viendra à réhabiliter la religion chrétienne qui, par et en Jésus-Christ, est jugée, condamnée, sauvée, sanctifiée.

Avec une minorité de protestants dont Thurneysen, Niemöller, Vogel, Niesel..., Karl Barth s’opposa dès 1933 à la fois au Reich hitlérien et au mouvement des Chrétiens Allemands soutenu par Hitler, qui fondait la doctrine de la nouvelle Église évangélique sur les slogans du nazisme: “Nation, Race, Führer”. C’est dans ce contexte que Barth et son ami E. Thurneysen lancent la nouvelle revue “Theologische Existenz heute”, “L’Aujourd’hui de la Théologie”. De l’avis de Georges Casalis (1), c’est “le plus violent réquisitoire qui se puisse imaginer contre l’Église officielle allemande, qui fut aussi décisif pour la vie de l’Église au XXè siècle que les quatre-vingt-quinze thèses de Luther pour l’Église du XVIè siècle”. Qu’on en juge par un extrait de ce manifeste reproduit par G. Casalis :

Là où il n’y a pas d’existence théologique, là où on réclame un conducteur ecclésiastique au lieu d’être un conducteur dans le service qui nous est commandé, là, tout appel à un “Führer” est aussi vain que le cri des prêtres de Baal: “Baal, entends-nous! (2).

Dès le printemps de 1934, Barth rédige un document décisif. C'est la désormais célèbre Confession de Barmen. Il y exprime, avec le courage de la foi, son credo, contre l'hérésie. Cet article rompt avec les Chrétiens allemands et le gouvernement de l'Église du Reich. Barth s'appuie sur les vérités évangéliques : Jésus est "le chemin, la vérité, la vie" (Jn 14, 16), "celui qui n'entre pas par la porte dans la bergerie mais qui y monte par ailleurs est un brigand. Je suis la porte..." (Jn 10, 1-19). Barth insiste pour dire que Jésus est l'unique guide, l'unique parole que nous devons écouter. Il rejette "la fausse doctrine selon laquelle, l'Église s'adjoindrait d'autres sources, d'autres puissances, d'autres vérités." Il y affirme la liberté de l'Église par rapport aux doctrines de ce monde, sa responsabilité à l'égard de tout le peuple et l'indépendance de son message par rapport à toutes les idéologies et toutes les propagandes. Le texte se termine par une invitation de tous les chrétiens de l'Allemagne à rejoindre l'Église confessante.

Il n'est pas douteux que Barth a écrit la Confession de Barmen sous une sorte d'inspiration à la fois rebelle et responsable, "en quelques heures" assure G. Casalis, seul, "pendant que les autres faisaient la sieste" a écrit Barth en marge de son manuscrit !

Dès lors Karl Barth doit quitter l'Allemagne. Bâle sera désormais son point d'attache pour le reste de sa vie. Il collaborera à la réflexion œcuménique et sera l'un des ouvriers du renouveau du dialogue avec les catholiques.

Sa passion a été d'envisager Dieu indépendamment des aspirations religieuses de l'homme. "Le contenu de la Bible, ce ne sont pas les idées justes des hommes sur Dieu, mais les idées justes de Dieu sur les hommes." Le rôle du théologien, selon Barth, est précisément d'accueillir une révélation qui vient d'ailleurs et d'en déployer l'architecture trinitaire. C'est à partir de cette trinité de Dieu que l'homme doit se laisser interpeller.

La théologie de Karl Barth, dont la “Dogmatique” publiée par les Éditions Labor & Fides, à Genève, couvre plus de 9000 pages, a opéré une véritable révolution dans l’histoire des Églises chrétiennes. Ainsi que l'écrivait Bruno Chenu, Karl Barth aura été "le grand événement théologique du XXe siècle." (3)

  

Gérard LEROY, le 9 avril 2008

 

  • 1) Georges Casalis, Portrait de karl Barth, Éditions Labor & fides, 1960
  • 2) cf. Foi et Vie, n° 51, pp. 628-630, cité par Georges Casalis, op. cit., p. 34
  • 3) Marcel Neusch, Bruno Chenu, Au pays de la théologie, Cerf, 1994, Coll Foi vivante, p. 54