Pour Hélène Bellanger, en hommage amical

   On a beau relire consciencieusement les Actes des apôtres, on se perd à chercher Marie-Madeleine et Marthe et les autres qu’on a suivies dans les Évangiles. Marie, mère du Christ, n’apparaît qu’un instant, pour ne rien dire, dans une assemblée qu’on ne situe pas.

Les Actes évoquent cependant quelques femmes, celles qui accueillent les disciples, telle la mère de Jean surnommé Marc, ou des femmes notables, qui n’apparaissent pas dans les évangiles, ou bien cette Bérénice, présente au procès de Paul. Fait nouveau, certaines de ces femmes se méfient des apôtres, telle Saphira, l’épouse d’Ananie (Ac 5).

Les servants de table, ces diakonos ou diacres, assurent le service des tables et la gestion des œuvres de bienfaisance de leur communauté. Chaque communauté choisit parmi les siens des hommes, sept hommes pour assurer cet important service. Ceci est écrit dans Ac 6, 1-6. « Choisissez-vous 7 hommes », « Épiscopez vous ! » dit le texte.

Aucune femme ne fut chargée du ministère de la parole. Doit-on déduire qu’après la Pentecôte, la prophétie féminine n’a plus de raison d’être ?

Paul annonce pourtant aux Galates : « Il n’y a plus ni juif ni Grec, ni maître ni esclave, ni homme ni femme… » Disant cela, il est homme de la Nouvelle Alliance, quand bien même se montre-t-il encore imprégné de l’ancienne loi et, de surcroît, hellénisant lorsqu’il traite du problème de « la » femme en général en déclinant les poncifs de l’Antiquité. Le Christ, lui, ne parle jamais de « la femme » en en spécifiant le genre. Il écoute telle ou telle, des femmes singulières qui parlent, qui lui parlent. Alors que Paul commande aux femmes de « se taire dans les assemblées », Paul rompt radicalement avec l’attitude du Christ. Mais on ne dialogue pas avec un peuple muet.

Cette interdiction de parole faite aux femmes, majoritaires dans les assemblées, sera vite et sans doute abusivement généralisée. Paul va peu à peu se distinguer, en étant le seul des apôtres à dialoguer avec des femmes. À Philippes, rapporte le texte (Ac 16, 14), « nous étant assis, nous adressâmes la parole aux femmes qui s’étaient réunies. L’une d’elles, nommée Lydie, marchande de pourpre, de la ville de Thyatire (…), nous écoutait… ». Dans ses lettres, Paul salue plus de quinze femmes auxquelles il confie des responsabilités importantes. Sur le port de Corinthe, il charge Phoebée du diaconat et de la présidence d’une communauté (Rm 16, 1). Jusqu’où allait cette présidence ? Cette question et affaire de spécialistes.

Le diaconat féminin, instauré par Paul, s’est d’abord répandu, puis très vite abandonné, tant en Occident qu’en Orient. Après la mort de l’empereur Constantin, vers le milieu du IVe siècle, le recrutement des hommes dans les fonctions cléricales dont la catholicité romaine a hérité devint la norme. Ceci en dépit de l’exemple qu’elles donnèrent de leur foi face aux épreuves, telles Blandine lors de la persécution de Lyon en 177, ou Perpétue et Félicité, subissant, elles aussi à Carthage, en 203, le martyr que nous rapporte leur journal de captivité  transmis par Tertullien.

Une fois passée l’ère des persécutions, une fois supprimés les baptêmes par immersion qui supposaient toute une préparation, l’habillage pendant sept jours de la « semaine en blanc », la préparation du baptistère, les fournitures d’aubes…, la hiérarchie masculine n’eut plus guère besoin d’auxiliaires féminines, sauf dans les hospices de pèlerinages où elles demeureront actives jusqu’à… Lourdes ! Bientôt, le titre de diaconesse ne fut plus attribué que comme un « lot de consolation » à des épouses de prêtres promus évêques, auxquels l’empereur Justinien, pour des raisons financières, interdit le mariage (en 539) afin d’éviter la dilapidation des héritages. Elles vécurent alors en compagnie des prêtres en « frères et sœurs » et entrèrent dans une ombre relative.

 

Gérard Leroy, le 4 septembre 2020