« Que les ragots et les critiques dévastatrices n’engendrent pas la mauvaise humeur », dit le pape au quatrième chapitre de son exhortation. « L’ancrage en Dieu façonne en nous l’endurance, la patience et la douceur. La récompense en est la Joie ». « L’Eglise a besoin de missionnaires », déclare-t-il (§138). Alors, « laissons Jésus nous envoyer en mission. Nous sommes fragiles mais porteurs d’un trésor qui nous grandit et qui peut rendre meilleurs et plus heureux ceux qui le reçoivent. L’audace et le courage apostoliques, la parêssia, sont des caractéristiques de la mission » (§ 131). « La sainteté est parrêsía », ajoute François (§ 129).

Dans l’Église primitive, la parrêsia (en grec), signifiait la qualité de foi chrétienne qui ne peut être dubitative et se contenter d’opiner du chef (“p’têt’ ben qu’oui...”). La parrêsia est synonyme d’audace, qui ne peut se retenir de dire l’Événement. Il faut que cela soit dit. Michel Foucault, dans son Cours d’Histoire des systèmes de pensée, insinuait qu’à vouloir tout dire la parrêsia en arrive parfois à dire « tout et n’importe quoi ». Non. La parrêsia n’est pas bavardage, mais audace, l’audace de proclamer Jésus-Christ ressuscité. 

Dans son cinquième et dernier chapitre, le pape insiste à nouveau sur la nécessité du discernement.

Le discernement, souligne-t-il, est « une nécessité impérieuse » dans le monde actuel, surtout pour les jeunes. « Car aujourd’hui, l’aptitude au discernement est redevenue particulièrement nécessaire. Sans la sagesse du discernement, nous pouvons devenir facilement des marionnettes à la merci des tendances du moment » (§ 167). « Le discernement trouve son origine dans « la disponibilité à écouter  » (§ 172)… «  C’est un don à demander », « un instrument de lutte pour mieux suivre le Seigneur » dit le pape.

Cependant, pour que tout cela soit possible, il faut se réserver quelques moments uniquement pour Dieu, dans la solitude avec lui. La prière, pour sainte Thérèse d’Avila, rappelle François, c’est « un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé » (§ 111). Je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas seulement pour quelques privilégiés, car tous « nous avons besoin de ce silence (§ 112).

« Je demande à tous les chrétiens, exhorte le pape François, de faire chaque jour, en dialogue avec le Seigneur qui nous aime, un sincère « examen de conscience », à reconnaître les moyens concrets que le Seigneur prédispose dans son mystérieux plan d’amour, pour que nous n’en restions pas seulement à de bonnes intentions » (§ 169). 

Ce qui surgit d’abord dans la prière, c’est la reconnaissance de notre petitesse, de notre vulnérabilité. Dieu est toujours celui qui vient rencontrer l’homme dans sa faiblesse. 

La prière est d’abord un lieu d’écoute dit le pape. Dieu est silence. C’est dans le silence qu’on l’entend. C’est là qu’il se communique. Ceux qui ont fait l’expérience du désert le savent bien. Si on veut l’entendre il faut arrêter seulement le tournis, mettre son cœur en vacances, se calmer. Prier c’est aussi s’arrêter. Il y a des gourmands et des coquets de la prière. Laissons-nous guider par l’Esprit.

Avant de reprendre son grabat sous le bras, d’emboîter le pas du Guide, on traînera encore les pieds. Allons-y quand même. On n’arrête pas de zapper entre la prière et l’action. On s’assied, on prie. On se relève et l’on retourne se mêler au tourbillon de la vie.

Depuis la nuit des temps nous sommes invités à nous relever et repartir. Depuis qu’un jour Dieu est venu déranger ce paysan Chaldéen dans ses vignes : « Va vers le pays que je te montrerai » ; depuis que Dieu demanda à Jacob de se lever pour aller dresser un autel à Bethel ; depuis que Agar, la servante d’Abraham, a été invitée à déguerpir, avec son fiston Ismaël pour rejoindre le désert ; jusqu’à Jésus, qui dit à son ami Lazare: « Va, lève-toi et marche ! ». La Bible retentit de mises en marche.

Prier, c’est interrompre la marche. Pour mieux repartir.

 

Gérard LEROY, le 25 octobre 2018