Pour Delphine d’A, en hommage amical

   L’expérience suffit à convaincre qu’une intelligence de la foi s’organise et s’élabore de manière conditionnée par l’histoire. Même s’il convient de reconnaître que Thomas d’Aquin échappe à la critique heideggérienne de « l’onto-théologie », la théologie thomiste s’inscrit dans le projet de la métaphysique comme pensée de la représentation de l’être en général. De sorte qu’on est invité à exercer un discernement plus critique du théologique qui découle de la Révélation et du théologique de nature qui se cantonne à un niveau proprement ontologique.

Trois convictions s’érigent alors. La première concerne notre discours sur Dieu. Nous savons mieux ce qu’il n’est pas que ce qu’il est, « suréminence inobjectivable » disait Thomas. Il reste cependant au chrétien  de bénéficier du Dieu Trinité qui se présente comme un plus par rapport au Dieu de l’Ancienne Alliance, en dépit de ce que nous ignorons toujours qui il est, son essence intime, son quid.

En second lieu, je décèle en Thomas d’Aquin un soutient de la dynamique de la foi, qui ne se soucie pas, d’abord, de se situer dans les clous en vérifiant sa conformité au dictat du magistère, mais en ne se référant qu’à la foi apostolique, qui renvoie à l’autorité même de Dieu, Vérité première, absolue. Là se situe le secret de la liberté intérieure, qui ne manque pas de repérer parfois l’absence d’un lien entre certaines vérités que le magistère enseigne comme définitives et les vérités propres à la Révélation elle-même. 

Enfin j’engage à maintenir le régime humain de l’esprit dans le parcours de la foi et de son témoignage. C’est tout l’esprit d’une naïveté seconde, pour le dire comme Paul Ricœur, qui est passé par l’épreuve critique la plus exigeante. 

Ainsi toute théologie fondamentale rassemble-t-elle une herméneutique de la Parole de Dieu et de l’existence humaine. La théologie fondamentale comprise comme herméneutique cherche à déchiffrer le sens des énoncés de la foi dans leur forme scripturaire, dogmatique et théologique en fonction de l’expérience historique et culturelle de l’homme d’aujourd’hui. Ainsi l’histoire universelle peut-elle être observée comme l’histoire de la quête par l’homme de cet Absolu que nous nommons Dieu et inversement l’histoire de la quête de l’homme par Dieu.

Gérard Leroy, le 16 mars 2019