Merci à Nadia, Michèle, Gérald, Nicolas, Patrice, Stéphane, pour la joie qu’ils nous font partager 

   Le mystère de la Résurrection ne nous parle pas d’une autre vie que celle que nous avons à mener dès maintenant; il nous renvoie à l’énigme de cette vie. 

Comment un mort peut-il reprendre vie, en se maintenant identique à soi-même ? 

Au temps des Césars, on a dénoncé la croyance à la résurrection comme la grande illusion que les religions entretiennent pour consoler les hommes de la perspective de la mort, ou encore apaiser la grande peur des châtiments divins, d’un Père Fouettard qui viendra sanctionner les auteurs d’actes immoraux, impuissants à s’arracher à leurs pulsions. Tout cela manifeste qu’on ne retient de la religion qu’une perspective de l’au-delà, emprisonnée par notre expérience et la pensée qui ne peut que difficilement se détacher du temps.  

Ne cherchons pas à comprendre la résurrection à partir de l’anéantissement de la vie, dont l’origine est don et vie de l’esprit. La foi chrétienne est un appel à vivre intensément la vie, à la dépenser dans une confiance filiale à Dieu.

Une vie nouvelle nous attend, certes. Elle s’ouvre à nous après la mort ; nous tenons cela d’une promesse qui s’appuie sur la puissance de l’Esprit Saint qui féconde en nous une semence d’éternité. L’espérance de la résurrection est en nous, éveillant notre désir de rencontrer Dieu, de recevoir l’étreinte de son Amour qui dépasse tout entendement ici-bas. Comment l'homme, assuré de sa finitude, maintient son effort d'exister et son désir d'être. «L'homme, c'est la joie du Oui dans la tristesse du fini» écrivait Paul Ricœur. C’est le mystère de Résurrection qui nous porte, en avant et au delà même de nos ressources de vie. La foi en la Résurrection n’est pas une vérité diluée parmi d’autres, c’est l’essence même de ce qu’il y a de chrétien. 

La résurrection de Jésus est le fondement de la foi en lui, de sa présence, de son identification au Père, de la distinction de sa personne. Le mystère de la Résurrection de Jésus se présente comme l’engendrement de la résurrection universelle, qui accomplira la Justice de Dieu que Jésus avait charge d’annoncer, ainsi que Paul en témoignera devant ses accusateurs : “C’est pour la résurrection des morts que je passe aujourd’hui en jugement devant vous “ (Ac 24,21). Mais le fond du mystère n’est pas d’ajouter une vie autrement à celle que nous quittons, qui introduirait la désespérance d’une vie sans fin —est-ce seulement “pensable”—, c’est d’espérer que nous advienne ce que Jésus a éprouvé : entrer dans l’intimité du Père, qui nous reçoit en dépit de nos parcours scabreux, de nos débauches, de nos haines, pourvu que l’on désire, à la façon du fils prodigue, retourner dans la maison du Père. 

Ressusciter, c’est s’éveiller à l’amour, à la vie qui dépasse et sublime notre histoire. Notre résurrection est déjà inscrite dans notre vie, dans notre histoire, dans notre chair. Elle est en nous parce qu’elle était, avant nous, don d’amour.

Le Règne de Dieu inaugure la résurrection générale dans celle de Jésus, car Dieu a appelé tous les hommes à partager l’amour dont lui, le Père, l’aimait comme son propre Fils, avant même “qu’Abraham fût”, avant le commencement des temps. Ainsi sommes-nous transférés dans le royaume du Fils, du “Premier-né de toute créature” devenu le “Premier-né d’entre les morts” (Col. 1,13-18).

La résurrection n’est pas réincarnation, croyance à la mode avec les parfum douteux d’orientalisme et de scientisme qui voudraient percer les ténèbres du futur ou de l’invisible, domaine où prospèrent tant de pseudo-sciences et de charlatanismes. 

La résurrection est entrée dans l’histoire avec Jésus. Voilà l’invraisemblable qui a bouleversé les premiers siècles comme elle bouleverse les temps d’aujourd’hui. La résurrection donne sens à l’aventure humaine : elle se fait dans l’actualité de la présence au monde en sollicitant la liberté à dire oui à la vie. Elle conduit au delà du temps et du monde, comme accomplissement et non destruction, car elle a mission de sauver tout l’univers réconcilié dans son Principe.

 

Gérard LEROY, le 27 mars 2016, dimanche de Pâques