Pour Alix, Rachel, et leurs papas

   Ont-ils compris les disciples ? Sans hésitation,  ils répondent par l’affirmative.

J’avoue qu’il me faut parfois un temps pour saisir la signification des paraboles dont use Jésus pour nous expliquer les choses, surtout quand elles évoquent le royaume de Dieu. C’est quoi, au juste le « royaume des Cieux » ? Un trésor caché dans un champ ? une perle trouvée par un négociant ? un filet lancé dans la mer puis ramené sur le rivage ? Que faut-il imaginer derrière ces images ? Que nous disent ces images parlantes, mouvantes comme des dessins animés.

Un commis de ferme traverse un champ, dont il n’est pas le propriétaire. Soudain, un objet, à demi caché, enfoui, qui se trouvait sans doute là depuis longtemps, le surprend, capte son regard hypnotisé. L’objet qui se révèle à lui est un trésor. Et l’homme perçoit aussitôt qu’en réalité ce trésor l’attendait, lui, qu’il est pour lui, qu’il est à lui.

Et si ce trésor était cette dérangeante et décapante Bonne Nouvelle ? Certains ont reçu la grâce dès l’enfance, et l’ont enterrée avec le souvenir des agapes du baptême servis ce jour-là. D’autres, comme des commis de ferme trop habitués au sol qu’ils foulent pour y jeter un œil, ont grandi et sont passés à côté du trésor, chaque jour, sans le voir. Quelques-uns disposent encore de la faculté d’émerveillement, d’étonnement, pour être capables de découvrir ce qui est encore caché. Alors, c’est pour eux une joie intense, intime, de pouvoir se le procurer, au prix de tout le reste, de le faire fructifier, d’en témoigner, et de partager la joie qu’il procure.

Rideau ! Qui se lève à nouveau pour une autre scène. Quelqu’un cherche, avec persévérance, sachant très bien ce qu’il recherche. Pas des perles, mais LA perle, l’ Unique, infiniment plus précieuse que toutes les autres. Il la trouve ! Alors, il vend tout ce qu’il a et il achète la perle, dont la valeur ne se mesure à aucune autre. Cette perle, c’est la perle de l’amour, de l’amour plein, de l’amour qui se donne, entièrement, c’est la perle de l’amour de Dieu que Jésus est venu nous exprimer par le sacrifice total de sa vie même. Le commis de ferme qui a découvert cette perle qui nous a été donnée avec la vie, cesse de négocier. Il se trouve en capacité de répondre à l’amour.

Et nos amours, nos amitiés, nos affections, toutes ces perles fines qui jalonnent nos vies trouvent alors leur vraie valeur, car elles sont désormais comme indexées sur la perle qui a valeur absolue, sur Dieu qui est Amour.

Un dernier acte semble tout gâcher. Qui commence par une scène de pêche. Le grand filet immergé dans le lac ramène toutes sortes de poissons. Mais ce jour-là la scène se termine par une tempête. Il y aura des pleurs et des grincements de dents. Effrayant ? que nenni : ce filet est celui de l’espérance. Car il ramasse tout, du bon et du mauvais, toi et moi, jusqu’à ce qu’il soit rempli, à la fin des temps.

Cela signifie que personne n’est d’emblée exclu du royaume qui nous attend. « Père […], fais qu’eux aussi soient un en nous » (Jn 17, 21). Justes et méchants coexistent en ce monde et en nous-même. Un jugement se fera. Saint Bernard de Clairvaux invitait à baiser les 2 pieds de Dieu, celui de la justice et celui de la miséricorde, « Tenez toujours ses deux pieds étroitement unis ». Dieu pardonne. « Dieu donne et pardonne en surabondance » écrit le pape François (Laudato si’ § 81). Le jugement ne nous appartient pas. Nous ne sommes pas au tribunal de l’histoire, à juger Mengitsu ou Hitler,  Staline, Pol Pot. Que nous revient-il alors ? De laisser Dieu nous rendre bons et aimants, tant que nous vivons dans le large filet de l’espérance.

 

Gérard Leroy, le 11 octobre 2020