Dialogue inter-religieux et modernité

Pour Patrick Valdrini, Amalita, Patrick Duprez, Albert Ducourant, en hommage amical

Le concept de dialogue est corollaire d’empathie, de convivialité et d’hospitalité.

Observons l'écart considérable qui s’est créé aujourd'hui entre le dialogue judéo-chrétien, en progrès, et le dialogue islamo-chrétien, en stagnation. On s’appuie, aujourd'hui par rapport à l'islam, aux discours de nostra aetate et à celui  de Jean-Paul II à Casablanca.

Le christianisme contemporain a développé une réflexion assez révolutionnaire sur la théologie des religions, qui a conduit au passage de la théologie traditionnelle du salut des infidèles à une théologie du pluralisme des religions ; mais il faut maintenant se détacher des interprétations en termes de « mauvais pluralisme »  et de « bon pluralisme ». Il serait judicieux de travailler sur la notion de «vérités différentes», et non plus sur «le vrai et le faux». Il est nécessaire d’introduire une approche de l'histoire générale du Salut,. Partant de la formule traditionnelle « Hors de l’Eglise, point de Salut », soulignons l’importance de l'ouverture de la réflexion chrétienne effectuée sur le Salut et l’importance d’approfondir la notion théologique des « semences du verbe » et de s'interroger sur l'accomplissement de la venue du Christ.

Sur le plan théologique, il demeure que le dialogue inter-religieux est d'une grande utilité face aux défis de la mondialisation. L’affirmation du respect de « l'humain authentique », le combat pour la justice et la protection de la création sont des éléments d'un dialogue islamo-chrétien qui, aujourd’hui, s’enlise.

En résumé, nous avons à plaider pour une réflexion théologique sur l'unicité de Dieu, et pour une réflexion commune des grands monothéismes sur l’humanisme. Autrement dit la question de la foi dans son rapport à la foi des autres doit être posée. Vatican I avait insisté sur la « foi-contenu », alors que la réaction des chrétiens a consisté à privilégier la « foi-démarche ».

Le théologien protestant John Hick a été l'un des premiers à s'interroger sur la problématique du dialogue entre le christianisme et les autres religions appréhendée d’un point de vue théologique. Sans entrer dans le détail de sa réflexion et sur les suites qu'elle a engendrées, nous pouvons néanmoins affirmer aujourd’hui que ni les tenants de la « foi-contenu », ni les tenants de la « foi-démarche » ne peuvent permettre un réel dialogue inter-religieux.

Car un tel dialogue suppose l'ouverture de nombreux chantiers :

-    Sur la médiation du Christ et sa signification

-    Sur la signification du Salut. Le Salut est-il dans l'au-delà, ou commence-t-il ici-bas ?

-    Sur la place de l'église dans le dialogue

-    Y a-t-il une révélation ou des révélations ?

-    La foi chrétienne et la foi des autres 

-    L'articulation entre le dialogue et la mission

Se donner cette tâche c’est ouvrir un chantier.

Gérard Leroy, le 3 octobre 2025

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Proposition d’un colloque : Pluralité en perspectives

À Amalita, Patrick Duprez, Pasteur Philippe Perrenoud, Robert Jeandenans, Albert Ducourant, Yves Giorello, Frère Bernard Cerlès, Samuel Mourier et à tous les membres du GIP Aude.

À l’occasion du 60e anniversaire de Nostra Aetate je propose au GIP 11, un projet de colloque en quelques lignes. Ce n’est qu’une suggestion.

La mobilité croissante, le “nomadisme”, et l’extension des moyens de communication ont produit la pluralité. Ce phénomène irreversible est l’une des caractéristiques de l’Europe moderne. Composée de grands courants culturels et socio-politiques, nourrie de sédiments culturels celtes, slaves, germaniques, héritière de la pensée hellénistique, des acquis de la rationalité critique, l’Europe est aussi imprégnée de judéo-christianisme, et plus récemment de la spiritualité musulmane.

Ces trois religions monothéistes reconnaissent leur culpabilité dans les conflits. Elles n’ignorent pas que des groupes d’identification religieuse tentent aujourd’hui de faire éclater les sociétés européennes d’où elles viennent. Si la méconnaissance de l’autre et les idées reçues génèrent les conflits, c’est du dialogue qui produit leur contraire qu’on peut attendre la résolution.

Dans cette perspective le GIP 11 propose un colloque sur le thème « pluralités en perspectives ».

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Déroulement :

Introduction par un membre du GIP Aude : Regard sur le moment présent de notre expérience historique.

1ere table ronde : Les causes du fanatisme religieux

Le fanatisme est lié à la religion. Quelle est la responsabilité mutuelle des instances politiques et religieuses dans le phénomène d’instrumentalisation du religieux au profit du nationalisme et/ou du terrorisme ? La réflexion devrait porter sur les parts respectives des motifs éthiques, économiques, politiques par rapport aux motifs religieux.

* Un Modérateur (membre du GIP), 2 à 3 Intervenants (un philosophe, un historien, un ecclésiastique) .

2ème table ronde : L’interpellation réciproque nécessaire des religions et des instances éthiques

Partant du respect de l’humain authentique comme critère de la santé d’une tradition religieuse, nous avons à encourager une recherche commune des religions et des éthiques sur le concept de l’humain et de l’inhumain, et à proposer que soient dépassées les exigences strictes de la justice légale pour entrer dans la loi de surabondance.

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Quand le dialogue devient muet

Pour Aymeric et pour Sapphô, en hommage amical 

   A-t-on perdu le souffle qui manque à la conversation ? Reste-t-il encore un espace pour instaurer un dialogue quand a sonné triomphalement le portable, que s’affichent des SMS expéditifs, tout cela qui constitue les prothèses indispensables à l’individu moderne.

Entendons-nous encore les chantres de l’ère de la communication ? Les influenceurs y croient, comme les publicistes et tous les Raminagrobis illusionnistes. Pour mieux vendre assurément.

Regardons autour de nous lorsque nous prenons place dans un restaurant d’autoroute. Chacun, qu’il soit seul ou en famille, se penche fébrilement sur son smartphone. Sans rien dire. Sinon au téléphone. Pensez-vous qu’il reste à l’adolescent de quoi s’entretenir avec ses parents ? Qui prend encore le temps d’interroger et de penser ?

On peut être frappé par les tensions inter-générationnelles actuelles, par le fossé creusé entre les « boomers » et la « génération Z » sur les questions de laïcité, d’environnement, de féminisme… La transmission doit reconnaître à la fois la rupture et la continuité.

Il nous faut édifier des ponts. Pour rétablir le dialogue il faudrait organiser des dîners de pont ! Où se rencontreraient des gens venant d’horizons divers. Sans bouder ceux qu’on a catalogués comme venant d’un autre monde, d’un autre clan, d’une autre classe… Peut-on entrer en dialogue sans se préoccuper d’une identité à préserver ?

La parole doit nous émanciper, sans tomber dans l’illusion de traduire notre ipséité, ce qui fait que « je suis moi » et pas un autre. Gardons-nous de réduire notre identité à une origine (« je suis Breton »), en un temps (« moi, j’vais vous dire, je suis né pendant la guerre… »). Elle est non seulement composite, mais en devenir. « L’homme est cet être pour lequel, au-dedans de lui-même, il y va de son être même » (M. Heidegger). Les gens obsédés par leurs frontières hermétiques, « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part » (Brassens), leur quartier, leur pays, leur religion, en viennent à nourrir parfois des projets politiques identitaires toxiques.

La société, la nôtre, est prise d’une obsession de pureté, qui voudrait, pour les uns, se débarrasser des autres, des flics, des américains, des arabes, des juifs, des homosexuels, jeter aux ordures les financiers (« Pour moi, l’ennemi c’est la finance »). On développe une haine de l’autre qu’on accuse de tous les maux… Pour se débarrasser des siens ? Les luttes se rejoignent quand elles combattent le racisme et l’antisémitisme.

Doit-on admettre, s’adapter, ou souffrir du primat de l’identitaire sur l’universel ?

Cet entre-soi identitaire, hélas, s’érige comme une fin en soi, qui isole, a contrario de l’être social que nous sommes, ou que nous avons à être, sans craindre de perdre notre propre identité au sein d’une société multicolore.

Gérard Leroy, le 11 juillet 2025

 

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