Pour Marie, ma fille
En observant le succès remporté par la récente pétition pour que l’État respecte ses engagements climatiques (plus de 2 millions de signataires), on ne peut qu’admettre que l’écologie n’est plus, en France, une matière à option.
L’écologie se décline aujourd’hui selon divers courants. Certains militent pour la décroissance (Yves Cochet, Nicolas Hulot) ; d’autres cherchent à préserver, à transformer, à ré-utiliser. D’autres encore proposent une réduction démographique mondiale et massive. Toutes les orientations convergent vers la conviction que, si l’environnement n’est pas doté d’une valeur intrinsèque, sa destruction entraînera ipso facto celle de l’homme.
Le problème majeur de l’écologie, relève le philosophe Luc Ferry, c’est l’épuisement des ressources, du matériel non renouvelable. Les nouveaux entrants, l’Inde et la Chine, soit 2 milliards et demi de personnes, consomment 78 % des ressources non renouvelables. Leur croissance potentielle est exponentielle si l’on compte aujourd’hui 10 voitures pour 1000 habitants en Inde, 40/1000 en Chine, tandis qu’en Europe on en compte 600/1000 et 900/1000 aux USA. (En France, on compte 85 millions de téléphones portables). L’accroissement de la production attendue entraînera une surproduction de déchets. Conscients de ce phénomène certains s’engagent à promouvoir le recyclage, comprenant ce processus comme le principal moteur de l’avenir de l’écologie.
Un courant humaniste et environnementaliste, que critiquent les écologistes radicaux (dont A. Waechter) associent l’humain à l’environnement. D’autres développent une conception anthropocentriste, et placent la nature à la périphérie. Est-ce l’être humain, qu’on place au centre, qu’il faut protéger, rejetant l’environnement à la périphérie ? Ou bien l’humain est-il intégré à la nature ? Est-ce que l’essentiel est l’humain ou bien la nature dont l’être humain ne serait qu’un élément (cf. H. Jonas) ? Se risque-t-on à opposer les droits de la nature aux droits de l’humanité ?
En tous les cas l’homme d’aujourd’hui est invité à limiter l’hubris, l’orgueil, l’arrogance que nos succès technologiques excitent. S’agit-il de fixer des limites naturelles à l’expansion (J. Ellul) ? On en est arrivé à un tel déséquilibre qu’on est devant « l’impossibilité de maintenir le niveau actuel de consommation » remarque le pape François dans son encyclique Laudato si’.
La décroissance, Luc Ferry prétend qu’on n’y parviendra jamais. L’être humain est, selon lui, un être d’artifices. L’homme est sans arrêt stimulé par des besoins nouveaux. C’est le constat à la base de l’œuvre maîtresse de Karl Marx, L’idéologie allemande.
Nous sommes des êtres consommateurs d’artifices. Jusqu’à la démesure. Les gens n’ont pas envie de moins consommer, et l’envie se fait plus forte aujourd’hui qu’hier. La frugalité ? Allez vendre ça aux SDF ! Mais pour combler nos désirs, nous en sommes arrivés à un sur-développement, où consommation et gaspillage vont de pair avec l’égoïsme, l’individualisme, « qui sont l’expression même des personnes dont le cœur est vide » (Laudato si’ §203). « Ce qui contraste de façon inacceptable avec des situations permanentes de misère déshumanisantes », dit l’encyclique au n°109.
Diminuer le gâchis, économiser les ressources naturelles… quels sont les freins ? Il y a dans le recyclage des déchets un véritable marché qui, dès qu’on l’acceptera, permettra de faire fonctionner l’écologie. L’écologie fera gagner de l’argent. L’écologie s’intègrera à l’économie.
Le réchauffement climatique sera plutôt réglé par l’innovation, par la voiture électrique par exemple, et toutes les nouvelles technologies. Mais il faut savoir que l’éolien, le photo-voltaïque, le smartphone, l’ordinateur, les batteries de scooter consomment énormément de métaux rares, le tungstène, le graphite, le scandium etc. 88% de ces « terres rares » (au nombre de 17 dans la table de Mendeleïev) sont produites par la Chine (cf Jean Staune, Les clefs du futur, Plon 2015).
« La nature c’est l’ennemi » dit Luc Ferry. La nature n’est pas un modèle moral. « Il n’y a que les nazis pour penser ça. » La nature c’est Darwin. C’est la sélection naturelle. L. Ferry ajoute que la nature on l’aime quand elle est aimable, quand les plages sont désertes. Mais quand on est menacé par le virus du sida ou de la grippe, la nature c’est l’ennemi.
Pour dégager le bien commun, la société libérale ne suffit pas. Victor Hugo disait, dans Les Misérables : « Politique : deux problèmes, le premier c’est produire la richesse, le second la répartir. » Le souci du bien commun commence par sauvegarder ce que le pape appelle, dans une merveilleuse formule reprise de Gorbatchev, la « Maison commune ».
Se sauvera-t-on par le recyclage ? ou par la décroissance ? Et pourquoi pas en associant un peu des deux ?
Gérard LEROY, le 30 décembre 2018